Dossier Petite enfance - fillette jouant à la crèche
Accompagnement des parents

Petite enfance : la prévention dès le plus jeune âge

Comment prendre soin des enfants dès le plus jeune âge, soutenir leurs parents et les épauler au quotidien ? Auteuil Petite enfance, filiale d’Apprentis d’Auteuil, développe des lieux d'accueil en y favorisant la mixité sociale. Au cœur du projet, le bien-être de l’enfant et de sa famille, l’accompagnement des parents dans les difficultés, par exemple lorsqu’un handicap est détecté chez un petit. Mais aussi la lutte contre les déterminismes sociaux. Exemples à Toulouse, Marseille et Paris.

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Apprentis d'Auteuil développe des lieux d'accueil pour accompagner les enfants et leur famille dès le plus jeune âge.
Dossier Petite enfance -  Delphine, auxiliaire de puériculture,  joue avec Lawrenta
Delphine, auxiliaire de puériculture, joue avec Lawrenta
(c) Sophie Stacino/Apprentis d'Auteuil

8h30 à la crèche Le Phare, à Toulouse, dans le quartier de Jolimont. Les premiers parents arrivent avec leurs enfants. Les assistantes maternelles et éducatrices de jeunes enfants prennent le temps de saluer chaque famille, puis rassemblent les petits sur un tapis pour un temps d’accueil avec la comptine « Les petits poissons ».

Avec ses 20 places, la crèche touche une quarantaine de familles aux profils variés, dans une volonté de mixité sociale. Les familles sont orientées par la mairie ou accueillies directement. La plupart vivent dans une situation financière et de logement précaire. L’accompagnement de l’équipe est alors précieux, tant pour l’enfant que pour les parents, comme le confirme Cécile Creuzet, responsable pédagogique d’Auteuil Petite enfance : « Quand l’enfant vient au monde, cela demande beaucoup d’énergie pour l’accueillir, d’autant plus quand on est dans la détresse. Certains enfants arrivent dans un tumulte. En agissant en amont, dès la prime enfance, on peut éviter bien des difficultés. » Ça a été le cas pour la maman d’Aïssatou, aidée il y a un an dans sa situation administrative grâce au groupe de parole du jeudi matin : « J’y ai trouvé beaucoup de solutions ! Sans cet accueil de ma fille en crèche, je n’aurais pas pu poursuivre ma formation professionnelle en puériculture. »

Différentes problématiques sociales

Dossier petite enfance - Crèche Un air de printemps à Marseille
Un escargot attire l'attention des enfants à la crèche Un air de printemps à Marseille
(c) Ilan Deutsch/Apprentis d'Auteuil
Dossier petite enfance - Crèche Un air de printemps à Marseille, moment de lecture
Moment de lecture à la crèche Un air de printemps à Marseille (c) Ilan Deutsch/Apprentis d'Auteuil

L’ouverture à des publics dans des situations de fragilité est aussi la particularité de la crèche Un air de printemps, à Marseille, implantée le 14e arrondissement. Elle accueille les enfants sans condition préalable, en fonction de l’urgence, et travaille avec un réseau de partenaires (centre d’hébergement d’urgence, centre d’action médico-sociale précoce, etc.) Avec ses 71 places, Un air de printemps touche une centaine de familles, la plupart venues par le bouche-à-oreille. « Les problématiques de société sont concentrées ici, explique la directrice Marie-Ève Bujko. Le terme précarité englobe pas mal de choses, elle peut être financière, sociale... Mais il peut y avoir une précarité financière et une situation familiale stable, de l’amour, de la constance. Nous accueillons ces familles qui n’étaient pas accueillies ailleurs. Je remarque une grande solidarité entre elles. »

Pour preuve, la braderie/troc de vêtements de bébé et d’objets de puériculture, proposée l’été dernier, qui a remporté un grand succès. C’est une maman, Emilie Duter, qui a pris en main son animation. « Pour les familles, savoir les enfants ici, en sécurité, cela apporte du repos, un équilibre, de la stabilité, reconnaît-elle. C’est une crèche qui est à l’écoute des parents. Ils m’aident à m’organiser dans ma vie. » La directrice enchaîne : « Nous avons le temps de voir grandir les enfants et d’accompagner les parents. Nous suggérons, nous échangeons, nous proposons autre chose. Ce n’est jamais : « Vous devriez faire comme cela ». Par exemple sur le problème des écrans, omniprésents dès tout petit. Ou sur les soucis éventuels d’hygiène. C’est un accompagnement bienveillant, sans jugement, qui a du poids dans le parcours de l’enfant. Le collectif est très important. Être au contact d’autres, apprendre à entrer en relation va lui donner plus de force et d’ouverture, plus de liberté d’agir. Un homme seul n’est pas grand-chose ! »

Rompre l’isolement et créer du lien

Dossier petite enfance -  Malika avec sa maman à la crèche "D'ici et d'ailleurs"
Malika avec sa maman à la crèche "D'ici et d'ailleurs" à Paris. (c) Ilan Deutsch/Apprentis d'Auteuil

À Paris, la crèche D’ici et d’ailleurs, située dans le 18e arrondissement, accueille à parité des enfants du quartier orientés par la mairie et des enfants de personnes migrantes à qui elle offre un mode de garde pendant leurs ateliers de français ou d’aide à l’insertion (1). « Nous trouvons que cette crèche est une belle idée, s’enthousiasme Mathieu Bezeaud, papa d’un petit Sacha de 15 mois. Les enfants créent le lien entre eux, indépendamment de leurs origines. Nous trouvons notre fils très entouré, rassuré et épanoui. » « Pour moi, cette crèche et ce lieu, c’est comme une deuxième famille, avoue Aïssata, maman d’Ismaël, 2 ans. Mon fils évolue bien. Il est content de venir, même si au début il a pas mal pleuré. »
Les professionnelles sont particulièrement attentives à la socialisation des enfants, à l’expression de leurs émotions, de leurs peurs, en particulier ceux dont leurs parents ont un parcours de migration traumatique et un quotidien difficile. « Avec le recul, ces familles voient le bien-fondé de la crèche pour leurs enfants, qui se mettent à communiquer davantage, à se détacher de leurs mamans, explique Marie-Sibille de Lignage, la directrice. Cela remobilise leurs parents. On entre dans un cercle vertueux : les enfants permettent à leurs parents d’aller mieux, ce qui favorise l’épanouissement des enfants. »

Des crèches attentives au handicap

Dossier Petite enfance - Kyllian et sa maman à la crèche "Le phare" de Toulouse
Kyllian et sa maman à la crèche "Le phare" de Toulouse (c) Sophie Stacino/Apprentis d'Auteuil

Constat des crèches et des responsables d’APE, l’augmentation du nombre d’enfants en situation de handicap accueillis, sans que l’on sache si le nombre a effectivement augmenté ou si les situations sont mieux détectées. Ils représentent environ 15 à 20 % des effectifs à Marseille et Toulouse. Toutes les crèches sont particulièrement attentives à ces enfants et à l’accompagnement de leurs parents, qu’il faut parfois guider pour trouver les bons interlocuteurs – médecins, organismes - et aider à accepter le handicap. « Parfois, le diagnostic est déjà posé. Parfois, après une période d’observation, nous alertons les parents quand nous constatons une difficulté. Nous les encourageons à consulter, explique Agnès Chatelard, directrice du Phare, à Toulouse. Nous mettons en place des ateliers pour tous avec des activités adaptées par exemple aux enfants qui souffrent de troubles du spectre de l’autisme. »

Sabrina, maman de quatre enfants, connaît bien la crèche Un air de printemps à Marseille qui avait accueilli son aînée en 2013. La dernière, Layana, bientôt 3 ans, y a fait son entrée il y a peu, après un passage délicat dans une autre crèche. « Mon enfant était considérée comme pas dans la norme et on me le faisait sentir dans l’autre crèche. Je l’ai très mal vécu. J’ai contacté Un air de printemps et ils m’ont accueillie les bras ouverts. Ici, les parents ne sont ni jugés ni pointés du doigt. Quand je vois ma fille arriver en courant, je reprends confiance, je la laisse l’esprit tranquille. »

Chaque enfant est accueilli dans sa singularité, là où il en est. Son intérêt et son bien-être sont les balises pour toute l’équipe. « Nous ne réfléchissons pas seuls, nous ne décidons pas seuls. Nous sommes en transparence avec les familles et échangeons en permanence, c’est ce qui nous permet d’avancer », conclut Marie-Ève Bujko.

(1) Au sein de la maison Bakhita, fondée par le diocèse en partenariat avec Apprentis d’Auteuil, et qui propose des ateliers pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes migrantes.

Auteuil petite enfance en chiffres
15
établissements d'accueil du jeune enfant
1100
enfants accueillis et accompagnés
70%
d'enfants issus de familles bénéficiant des minimas sociaux
90%
des crèches à vocation d’insertion professionnelle avec accompagnement des parents vers la formation ou l’emploi
79%
de financements publics

Véronique Mahl, chargée de mission auprès de la Défenseure des droits au pôle Défense des enfants

Les lieux d’accueil pour les tout-petits sont essentiels pour les enfants et les familles les plus fragilisées qui cumulent souvent difficultés sociales, familiales et accès à la culture. Les crèches permettent aux enfants de s’ouvrir à l’extérieur, à la diversité. Ils sont davantage et plus rapidement sociabilisés. Un atout majeur à mettre en lien avec l’école obligatoire depuis 2019 à partir de 3 ans, une mesure largement encouragée à l’époque par le Défenseur des droits. Les professionnels des crèches et des structures multiaccueil accordent du temps aux familles pour les accompagner dans leur parentalité, car elles se sentent souvent démunies face aux institutions et aux services publics et ont tendance à se replier sur elles-mêmes. Les multi-accueil proposent également une grande flexibilité en termes de jours et d’horaires compatibles avec les emplois souvent précaires des parents.
Travailler ainsi en prévention avec les familles favorise la lutte contre les inégalités sociales et offre la possibilité aux parents d’évoluer dans leur rôle éducatif et dans leur quotidien. Cela permet aussi aux enfants de bénéficier d’une prise en charge plus adaptée à leurs besoins.

Pour en savoir plus www.defenseurdesdroits.fr