Accompagnement des parents

Parents, apprenez à vos enfants à réagir au harcèlement

INTERVIEW. À l'occasion de la Journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire, les conseils aux parents d' Emmanuelle Piquet, thérapeute formée à l’école de Palo Alto, spécialisée dans les questions de souffrance à l'école. Propos recueillis par Agnès Perrot.

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Psychologue spécialisée dans les difficultés à l'école, Emmanuelle Piquet explique aux parents les erreurs principales à éviter si leurs enfants sont victimes de harcèlement.

Comment définissez-vous le mot harcèlement ?

Emmanuelle Piquet. Photo : Pierre Charriau

Il s’agit "d’une escalade entre un enfant - ou un groupe d’enfants - et un autre enfant ", avec une souffrance liée à une situation qui se répète et à laquelle l’enfant concerné ne sait pas comment mettre un terme.

Un collégien sur dix se dit harcelé et plus de la moitié d'entre eux se taisent. Or, apprendre à se faire respecter est une compétence essentielle. N'importe quel enfant peut être touché par le harcèlement parce qu'il est vulnérable. Cela n'a rien à voir avec la couleur de ses cheveux, son poids ou son caractère. De même pour les harceleurs, il n'existe pas de profil type. Ce sont souvent des ados dotés d'une forte capacité relationnelle, mais qui ont peur de se retrouver seuls.  

Que préconisez-vous aux enfants en cas de harcèlement ?

Dans les centres que nous avons ouverts pour aider les enfants et leurs parents, nous pensons que les solutions aux diverses maltraitances relationnelles entre jeunes passent avant tout par l'acquisition de compétences à donner à ceux qui, pour une raison ou une autre, ne les ont pas acquises.

Nous les entraînons à mieux se connaître et s'affirmer en répondant aux attaques en trois étapes. L’idée est de leur apprendre à se défendre seuls, mais pas sans aide. Ceci en fonction de la situation considérée et de la personnalité du harcelé. 

Quelles sont ces étapes que vous leur proposez pour se défendre ?

D'abord résister, en les persuadant que la situation peut changer. Ensuite, nous les invitons à changer de posture. Dernière étape, nous développons leur répartie, grâce à des mises en situation et des jeux de rôle. Ce qui ridiculise la posture du harceleur. Le taux d'arrêt est de 80 %. Notre but est vraiment d'outiller  les enfants vulnérables pour qu'ils changent la donne au niveau relationnel. Les enfants harcelés ont des compétences, et en les accompagnant, on peut vraiment apaiser leur souffrance.

Que dites-vous aux parents ?

J'interviens dans de nombreux établissements scolaires, invitée par des associations de parents d'élèves ou autre. L’enfant en situation de harcèlement doit être soutenu et impliqué dans le règlement de la situation par ses parents. Il faut d’abord le mettre en confiance en lui assurant qu’on ne fera rien sans son accord (en prévenant l’école ou en allant trouver le harceleur par exemple). Sinon, il risque de ne plus vouloir parler.

Puis élaborer avec lui une stratégie verbale. On ne fait jamais à sa place. C’est un gros travail qui demande du temps et a parfois besoin d’être mené avec des professionnels. Donner à son ado des outils pour se sortir de ce type de situation l’aidera pour sa vie future tant au niveau personnel que professionnel.

Quelles sont les principales erreurs à éviter en tant que parent ?

En tant que parents, nous pouvons penser bien faire et nous tromper sur toute la ligne, en allant par exemple trouver le harceleur ou le parent du harceleur, sans en avoir avant parlé à notre enfant. Dans ce cas, le conflit remonte au niveau des parents... Un parent acceptera difficilement d’entendre que son enfant est harceleur. D'autant plus que le harceleur, habile communicant, trouvera bien souvent les arguments pour expliquer à ses parents qu’en réalité c’est la faute du harcelé.

L’enfant harcelé exclu de la solution devient une victime et rien n'est réglé. Ce type d'attitude est en fait très dévalorisant pour l’enfant et au lieu de lui rendre service, accentue son insécurité et son manque de confiance en lui. Bref, en protégeant trop nos enfants (alors qu'on croit les aider...), on aggrave la situation.

Y a-t-il autre chose ?

Quand il sont harcelés, nous disons aussi trop souvent à nos enfants de ne pas écouter et de faire comme s’il n’entendaient pas. Imaginez comme cela peut être douloureux pour un enfant de faire “comme si” alors qu’il ne peut pas ne pas entendre ni voir ce qui se passe...

Il faut faire confiance à nos jeunes et nous persuader, si nous avons trop tendance à agir à leur place, qu'ils pourront, même en souffrance, trouver en eux les ressources nécessaires pour se défendre. C’est eux qui ont les clés en main pour sortir du harcèlement. Notre rôle de parent est de les guider, les soutenir et de croire en leurs capacités.

Pourquoi luttez-vous contre la souffrance à l'école ?

Formée comme thérapeute à l’école de Palo Alto, j'ai commencé par recevoir des enfants en consultation pour motifs de conflits dans la fratrie, énurésie, crises d’angoisse, etc. Je les écoutais, on discutait, et un jour j’ai eu l’idée de leur demander comment cela se passait dans la cour avec les autres. Tous me répondaient immanquablement "très mal" !

À partir de 9 ans et jusqu’au lycée, la popularité est la seule chose qui compte pour les jeunes à l'école. Je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose ! J'ai commencé par écrire des livres, monté des centres d'aide pour les parents et leurs enfants. Puis, j'ai pensé aux enseignants et aux éducateurs et créé des  parcours de formation à leur intention sur les souffrances en milieu scolaire. Le harcèlement est un sujet qui touche la société tout entière.

À LIRE
- Te laisse pas faire, éd. Payot
- Le harcèlement scolaire - Primaire, collège, lycée, les solutions qui marchent, éd. Pocket
- Je me défends du harcèlement, éd Albin Michel Jeunesse (pour les enfants)

À REGARDER (conférence Ted'x) https://www.youtube.com/watch?v=iMGLy-juSxw&t=9s