Accompagnement des parents
15 décembre 2021

Vous reprendrez bien un zeste de rire ?

On sait bien que sourire, rire et s’esclaffer sont bons pour le moral. Mais si les bienfaits du rire allaient bien au-delà d’un bien-être ponctuel ? Et si rire, c’était du sérieux ? Dès la petite enfance, il est vital de rire sans modération, pour soi d’abord, mais aussi pour sa relation aux autres. La preuve avec deux chercheurs et une « rigologue ».

Le rire peut être silencieux et discret, bruyant et incontrôlable, impertinent ou malicieux. Il revêt mille visages, même si, en ces temps compliqués, il a parfois déserté notre quotidien. Il est pourtant primordial de lui faire une place, prévient Pierre-Marie Lledo, neurobiologiste, directeur de recherche au CNRS et à l’Institut Pasteur. « Quand nous accompagnons des enfants, nous avons la responsabilité de leur bien-être. Nous devons leur communiquer des émotions positives pour qu’ils se sentent bien. En régulant nos propres peurs, pour que l’enfant voie en nous un socle, une référence. Mais aussi en ayant un regard optimiste sur le futur. Le rire est une belle expression de ces émotions positives. »
Et le chercheur de rappeler les découvertes des neurosciences sur l’unification du cerveau et du corps : le cerveau n’est pas enfermé dans une boîte crânienne. Il envoie des messages à tous les organes du corps humain qui, en retour, lui transmettent des signaux positifs ou négatifs à interpréter en bien-être ou en mal-être. « Cette révolution des neurosciences nous apprend, par exemple, qu’une personne qui rit voit son système immunitaire devenir sept fois plus efficace dans sa capacité à détruire des pathologies (virus ou bactéries). Nous avons donc tout intérêt à connaître des moments de bien-être, de plaisir. Autrement dit, à nous (re)connecter à nous-mêmes et à nous déconnecter de temps en temps du smartphone et de la tablette. Le rire a la vertu d’amplifier le bonheur personnel et de semer autour de soi des émotions positives ! »

Source d’équilibre et d’harmonie

Remettre du rire dans la vie de chacun pour retrouver la joie de vivre, tel est l’objectif que s’est fixé Corinne Cosseron, psychologue de formation et fondatrice, en 2002, de la première école internationale du rire à Frontignan. « À celles et ceux qui n’y voient que du rire forcé, je réponds que ces exercices simples - respirations profondes, étirements, exercices amusants - sont là pour amorcer le rire, souligne-t-elle. Très vite, les gens rient pour de bon, car cela fait le plus grand bien. Le rire permet d’inhaler une plus grande quantité d’oxygène et d’expulser l’air à 120 km/h, ce qui nettoie à fond les muqueuses des poumons. En sautillant, le diaphragme stimule les organes proches (foie, estomac, rate, pancréas, intestins). Résultat : on digère mieux physiquement et émotionnellement. Les muscles (abdomen, poitrine, cou, visage et même bras) se détendent. Rire, ne serait-ce que 10 à 15 minutes par jour, nettoie notre corps et notre esprit, équilibre nos émotions, nous met en harmonie. »     
Transmettre les bienfaits du rire aux plus petits pour les aider à grandir et à s’épanouir passe inévitablement par du temps, de l’attention et des émotions partagées, selon la psychologue. « L’important n’est pas tant de faire rire un enfant que de rire avec lui, précise Corinne Cosseron. C’est un accélérateur de relations humaines, le plus beau cadeau qui soit. Ne soyons pas des handicapés de nos émotions. » 

Un bien-être contagieux

Pour aller plus loin dans cette quête de joie de vivre et réguler ses émotions, la psychologue préconise la méditation en silence, par le chant, la danse. « À la méditation, l’école préfère la socialisation, note-t-elle. On apprend que l’on ne peut pas tout le temps exprimer ses émotions en direct, sinon cela deviendrait invivable. Mais nous dit-on quand, où et comment le faire ? »
Le rire comme ressource naturelle de bien-être, au cœur des relations humaines, support d’apprentissage, antidote à la morosité… « Ne devenons pas tragiques, conclut Corinne Cosseron. Puisons notre force dans la joie de vivre et le rire. C’est notre bouffée d’oxygène, notre énergie vitale ! »
Deux questions à Sylvie Chokron, neuropsychologue, directeur de recherche au CNRS et auteure d’Une journée dans le cerveau d’Anna.
Quels sont les bienfaits du rire chez l’enfant ? 
Les neurosciences nous apprennent que le rire dope les capacités d’apprentissage de l’enfant, améliore la mémorisation de ce qu’il vit, l’aide à supporter des situations stressantes, voire traumatisantes. On sait, par exemple, qu’un enfant dès 18 mois apprend beaucoup plus vite à se servir d’un petit râteau pour attraper un objet s’il a vu, juste avant, un adulte échouer et le faire rire.
Par ailleurs, le rire permet de réduire le taux de cortisol (hormone du stress) et d’augmenter les taux de dopamine (hormone du plaisir) et d’endorphine (anti-douleur naturel). Le rire focalise l’attention de l’enfant sur autre chose que la douleur. Raison pour laquelle les interventions de clowns à l’hôpital remportent un tel succès. 
Invitez-vous à provoquer le rire chez l’enfant ?
Bien sûr, car au-delà de son intérêt sur le plan physique, musculaire et respiratoire, le rire améliore la relation à l’autre, développe l’interaction sociale. Également l’attention, en particulier, à la nouveauté, et la compréhension d’une situation. Dès 4 mois, le jeu de cache-cache fait éclater de rire un enfant. Il comprend que quelque chose d’inattendu - vous avez disparu et vous êtes revenu - est advenu. Dans le jeu de la petite bête qui monte, l’enfant anticipe qu’il va se passer quelque chose mais ignore à quel moment. C’est l’effet surprise ! Rire est à la fois un état où l’on se sent plus léger, où l’on éprouve du plaisir, et une tâche intellectuelle : pour rire, il faut avoir détecté l’inattendu au niveau verbal ou gestuel. Le rire, allié de notre bien-être et de nos capacités cognitives, doit être considéré et étudié avec beaucoup de sérieux ! 
Pour en savoir plus