Accompagnement des parents
30 novembre 2020

Les familles sont épuisées !

Une crise sanitaire, économique et sociale, un double confinement, des attentats terroristes… Comment les familles déjà fragilisées vivent-elles cette année si angoissante ? Questions-réponses avec Noémie Thiesson, directrice de la Maison des familles de Vaulx-en-Velin, cocréée par Apprentis d’Auteuil et le Secours Catholique.

Quel est le climat à la Maison des familles en ce moment ?

Le mot "fragilité" prend tout son sens aujourd'hui. Nous accueillons plus de 70 familles, dont une quarantaine de femmes seules avec enfants. Toutes rencontrent des difficultés économiques, financières, relationnelles et les trois-quarts vivent sous le seuil de pauvreté. La crise sanitaire, économique et sociale n’a fait qu’augmenter ces difficultés et l’insécurité dans laquelle elles vivaient déjà. Les familles sont épuisées par le climat ambiant, l’enchaînement des deux confinements, sans parler des attentats terribles que nous avons connus ici. 

Quel est l’impact de cette crise sur les familles accueillies ?

Ceux et celles qui travaillaient ont dû arrêter pendant le premier confinement, parfois même le deuxième. Je pense à cette maman femme de ménage dans une famille qui lui a dit de ne plus venir. C’est compliqué financièrement, mais aussi moralement : travailler, c’est aussi être actif, sortir de chez soi… Le manque de lien social et affectif pèse lourd quand on est fragile. Comme m’a dit une maman : « Avant à la Maison des familles, on se faisait la bise, on se prenait dans les bras, c’est dur de vivre sans contact. » 

Et sur les enfants ?

Les enfants aussi sont fatigués, angoissés… et accusent le coup des deux confinements. Des petits souffrent de retards de langage car ils n’ont pas entendu parler français pendant des mois. Les plus grands rencontrent des difficultés à l’école, voire, décrochent. Une maman me parlait de son fils, qui alternait cours en visio et en présentiel au lycée. Résultat : il a tout arrêté et passe ses journées chez lui, devant les écrans. Pendant le premier confinement, nous avions mis en place une aide aux devoirs, mais cela ne remplace pas la classe. 

Certaines mamans vivent-elles des problèmes particuliers ?

La violence conjugale est présente depuis l’ouverture de la Maison des Familles. Elle fait tristement partie de la réalité de beaucoup de femmes et d’enfants ici. Pendant le premier confinement, la situation a explosé, les familles étaient enfermées dans des petits espaces, avec les enfants et l’angoisse montante, c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. C’est un peu moins explosif cette fois-ci : des hommes ont gardé leur travail, les enfants sont à l’école… L’équipe reste très attentive, réactive, et continue de montrer sa capacité à écouter, orienter, prendre des nouvelles, tisser des liens de confiance avec les familles. Nous avons un rôle de mise en mots, et de facilitateur entre la cellule familiale et les partenaires sociaux. 

Quel est le rôle de la Maison des familles aujourd’hui ?

La Maison était fermée pendant le premier confinement, mais nous n’avons jamais autant travaillé, pour maintenir le lien avec les parents, les enfants et proposer des activités à distance. Nous sommes restés ouverts ce mois de novembre, et heureusement ! En mettant bien sûr en place un protocole sanitaire, dans le respect des gestes barrières.
Les familles ont plus que jamais besoin d’un lieu chaleureux et accueillant, les mamans de parler à quelqu’un d’autre que leurs enfants. Elles viennent discuter, rencontrer, souffler, chercher une oreille attentive et un regard qui ne les juge pas… Nous avons d’ailleurs accueilli six nouvelles familles ces deux dernières semaines !

Que proposez-vous pour accompagner les familles durant cette crise sanitaire ?

Avant tout, nous proposons aux parents de venir se poser, de souffler. En parallèle, nous proposons des temps en visio et en présentiel : les échanges « Y a pas de parents parfaits », les groupes projets pour préparer la newsletter ou la revue de presse, les ateliers d’OLGAlogie (du nom de notre bénévole Olga) pour se détendre, se retrouver et se réapproprier son corps… Nous ne pouvons plus organiser de repas partagés, mais nous avons lancé l’opération ‘Bien manger, même confinés’. Tous les vendredis, on part chercher des légumes de saison avec deux familles, et on livre nos paniers à vélo, avec un livre prêté par la bibliothèque sur un thème choisi. Une maman m’a confié : « Je n’avais jamais compris ce que voulait dire "fraternité" dans la devise de la République Française. Aujourd’hui, je sais. » 

Comment l’équipe gère-t-elle cette période difficile ?

L’épuisement est général. Notre problématique est d’arriver à prendre soin de l’équipe, pour qu’elle puisse prendre soin des familles. On prend le temps de se retrouver, de parler, d’écouter… Parfois, ce sont les familles qui ont une attention, et ça c’est génial ! C’est le principe même de la Maison des familles : prendre soin des uns et des autres.  La Maison des familles est soutenue par des donateurs privés et des mécènes, comme la fondation de Generali The Human Safety Net.