Accompagnement des parents

Comment développer l'estime de soi chez l'enfant ?

Pour vivre pleinement sa vie, l’estime de soi est essentielle à l’adulte comme à l’enfant. Mais quelle définition lui donner ? Comment la construire dès les premières années ? Avec l’attention bienveillante et responsable de chacun, plaident les spécialistes. Par Brigitte Baudriller.

Certains la formulent comme "la conscience de sa valeur personnelle", d’autres comme "une vision réaliste de soi-même". Chez l’enfant, l’estime de soi se traduit par des expressions telles - "Je ne peux pas le faire", "Je suis le champion !" "Il ne m’aime pas"… - révélant selon les cas une bonne ou une faible estime de soi.
Et les spécialistes, qu’en disent-ils ? "L’estime de soi est la dimension essentielle de l’identité de toute personne, avance Nathalie Oubrayrie-Roussel, docteur en psychologie, maître de conférences à l’Université Toulouse II. Elle renvoie aux sentiments et aux jugements positifs ou négatifs qu’un sujet éprouve à son égard. Elle comporte donc une dimension affective et "évaluative". Dès 8 ans, l’enfant parvient à s’évaluer globalement en tant que personne. Il est capable d’estimer ses compétences scolaires, sportives, dans ses relations avec les autres. Entre 8 et 10 ans, il intériorise cette évaluation de soi par soi en fonction de l’image plus ou moins favorable que l’adulte lui renvoie." Alors que l’enfant gagne en autonomie, la qualité des relations interpersonnelles et du soutien affectif dont il bénéficie se révèle essentielle. "Avoir une bonne estime de soi, c’est vivre son existence avec suffisamment de sens et de valeurs pour se sentir à sa place et se penser valable, commente David Le Breton, professeur de sociologie à l’Université de Strasbourg. Que l’on soit un enfant de 8 ans ou un vieillard. La dimension sensorielle est la condition sine qua non d’être au monde pour l’homme. Elle est au cœur de son existence." L’estime de soi est donc nourrie du regard des autres, de l’estime en laquelle les autres nous tiennent. "Ceci est particulièrement fort pour un enfant dont le monde est régi par la famille, reconnaît David Le Breton. Dès l’instant où il peut se nourrir de l’amour de son père, de sa mère, de ses proches, l’enfant acquiert une valeur personnelle. Il se sent aimé, reconnu, il perçoit qu’il a son importance, et ce, quelles que soient les conditions de vie matérielles de la famille. Excepté les familles toujours dans la plainte, la rumination, la revendication, pour qui l’enfant passe au second plan. C’est dans ces familles que des problèmes (mal-être, haine de l’école, déscolarisation…) peuvent apparaître."  

L’importance de soi et des autres

Entre 8 et 10 ans, l’enfant peut identifier les sources de soutien - parents, enseignants, pairs… - qui l’aident, l’encouragent, le valorisent, notamment dans ses apprentissages. "Quand ses parents rencontrent certaines difficultés momentanées ou plus durables, l’enfant parvient à cibler les personnes qui lui apportent des choses, constate Nathalie Oubrayrie-Roussel. Par exemple, des professeurs ou des éducateurs." Disponibles pour lui, ils le reconnaissent, savent apprécier ses efforts, ses solutions, ses progrès, ses décisions.  "Tous les aînés ont la responsabilité d’éduquer leur enfant, poursuit David Le Breton. Autrement dit, d’être présents et responsables, en ne laissant pas l’enfant faire n’importe quoi, tout en évitant de lui répéter les mêmes choses à longueur de journée – "Fais pas ci, fais pas ça" – sous peine de se voir totalement discrédités." "Les adultes ne doivent en aucun cas stigmatiser l’enfant ou sa méthode d’apprentissage, mais lui montrer comment l’améliorer", complète Gisèle George, médecin-pédopsychiatre. Des liens existent-ils entre estime de soi, confiance en soi et réussite ou échec scolaire ? "L’estime de soi peut être au fondement de la confiance en soi, note Nathalie Oubrayrie-Roussel. Plus elle est valorisée, plus elle facilitera la prise de confiance en soi de l’enfant. L’échec scolaire ne résulte pas systématiquement de la difficulté des apprentissages ou de la mise en œuvre des compétences de l’enfant, mais d’un manque de confiance en soi. Tantôt l’estime de soi favorise la réussite scolaire, tantôt la réussite scolaire favorise l’estime de soi. C’est un cercle vertueux. Il est donc nécessaire de créer un climat scolaire positif, et si besoin est, proposer l’aide d’un psychologue pour un travail de valorisation de soi chez l’enfant." Un travail qui doit être effectué dans un profond respect : l’enfant est encore petit et en apprentissage. Il peut ne pas être aussi rapide, habile et précis que l’adulte le souhaiterait. "La confiance en soi est un sentiment, précise Gisèle George. Le sentiment d’avoir le potentiel de faire quelque chose, pour le tenter jusqu'à la réussite. Peu importe les échecs." "Toutes les sphères de vie familiale, scolaire, sociale de l’enfant sont étroitement liées, conclut Nathalie Oubrayrie-Roussel. Elles ne peuvent être dissociées. L’estime de soi de l’enfant se construit dans tous ces milieux de socialisation."   
  À lire 

  • En souffrance : adolescence et entrée dans la vie, David Le Breton, Éd. Métailié
  • La confiance en soi de votre enfant, Gisèle George, Éd. Odile Jacob  

     

3 questions à… David Le Breton, professeur de sociologie à l’Université de Strasbourg

Que doivent faire les parents pour porter l'enfant dans l’estime de soi ?

Ils ne doivent ni le dévorer en le contrôlant, en le surveillant, en étant ses directeurs de conscience, ni le laisser dans l’indifférence, dans le laisser-faire.

Montrer ainsi leur estime et leur confiance en soi à leur enfant ?

L’estime de soi va de pair avec la confiance que l’on éprouve envers les autres, envers le monde. Avoir l’estime de soi c’est vivre dans un monde où les menaces et le danger sont presque inexistants puisque l’on a confiance en soi, en ses parents, dans les autres. Ce qui implique pour les parents d’être à la hauteur de la responsabilité qu’ils doivent à leur enfant. Ils ne doivent témoigner d’aucune "faille", d’aucun "mensonge", d’aucune "trahison". Sinon l’enfant ne fait plus confiance ni à ses parents, ni aux adultes en général. Ils ne lui semblent plus fiables.

Comment les parents peuvent-ils entraîner leur enfant dans ce que vous appelez "l’évidence de vivre" ?

L’évidence de vivre se construit dans cet engagement où les parents sont infiniment présents, tout en sachant que leur enfant doit voler de ses propres ailes. C’est à l’enfant de se construire sous la responsabilité et la bienveillance de ses parents. Ils doivent, d’une certaine manière, veiller au grain. Interdire certaines choses, établir des compromis, des négociations. Jalonner le chemin de l’enfant d’innombrables significations et valeurs. L’enfant doit savoir que ses parents tiennent à lui. Dans son quotidien et dans sa vie à venir.