Jeune homme dans sa cuisine, devant son frigo presque vide
Société

Des jeunes adultes de plus en plus précaires

Particulièrement touchés par le chômage, les bas salaires et les problèmes de logement, les jeunes adultes en situation de précarité sont de plus en plus nombreux à cumuler les difficultés. Une réalité qui compromet leur avenir. Éclairages. Par Agnès Perrot.

 

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Les jeunes adultes en situation de pauvreté sont de plus en plus nombreux en France aujourd'hui. Une réalité qui rend leur avenir difficile. Explications.

À un moment de leur vie, déjà compliqué en soi, où ils ont tout à construire, les difficultés économiques et sociales que rencontrent aujourd’hui des centaines de milliers de jeunes adultes précaires réduisent drastiquement leurs perspectives.

Une maman portant son enfant, devant l'entrée de son immeuble
Les jeunes précaires sont très peu entendus et représentés dans le débat public. (c) iStockPhoto

La moitié des pauvres ont moins de trente ans

Ne pouvant s’appuyer sur le soutien familial, cette jeunesse aux visages multiples – jeunes de milieux populaires grandissant dans des familles pauvres, issus de la Protection de l’enfance, de zones urbaines sensibles ou de zones rurales, jeunes en errance ou en situation de handicap, etc.- se retrouve sans ressource ni filet de sécurité, souvent isolée.

Un jeune sur quatre en France vit aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté, selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) de février 2023. En d’autres termes, touche moins de 965 euros par mois, soit la moitié du revenu médian des Français.

Des données à rapprocher du troisième rapport sur la pauvreté de l’Observatoire des inégalités (décembre 2022) : la moitié des pauvres ont moins de 30 ans.

Pas assez pour vivre dignement

Jeune homme marchant dans la rue
Beaucoup trop de jeunes vivent aujourd'hui au quotidien "dans la galère" en France. (c) iStockPhoto

« Être jeune et pauvre, c’est avant tout ne pas avoir de travail ou n’avoir qu’une miette d’emploi, mal rémunéré », précise d’emblée Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités et coauteur du rapport.

Si la pauvreté des jeunes n’est pas un phénomène nouveau, l’inquiétude vient de sa forte augmentation - plus de 50 % - ces quinze dernières années. Ce qui oblige les jeunes les plus en difficulté « à quémander le soutien de leurs amis, de leurs parents, ou à continuer à vivre chez eux », poursuit Louis Maurin.
 
Une réalité pointée depuis longtemps par le Secours catholique  : « Les jeunes pauvres sont de plus en plus nombreux. Ils ont du mal à joindre les deux bouts et doivent se serrer la ceinture pour faire face au coût de la vie. Ils n’hésitent pas à avoir recours à des colis alimentaires. » 
 

Un taux d'inflation qui s'est enflammé

En cause, outre l’ampleur du chômage, des bas salaires et la précarité de l’emploi, un taux d’inflation qui s’est enflammé depuis la fin de la crise sanitaire, avec des conséquences sur le coût de l’alimentation et de l’énergie. En attestent les files d’attente aux Resto du cœur, constitués, pour moitié, fin 2023, de jeunes de moins de 25 ans.

Autre conséquence, la difficulté à se loger. Voire, pour certains, de se retrouver à la rue. Confrontés à l’augmentation constante des loyers depuis des années, à la pénurie de logements sociaux ou à bas prix, les jeunes précaires sont également les premières victimes du mal-logement, note la fondation Abbé Pierre dans son dernier rapport, qui pointe, notamment, la difficulté à réunir les garanties nécessaires pour obtenir un logement.

Des jeunes non diplômés

Des élèves de lycée dans une classe avec leur professeur
Face à la précarité, au chômage et aux bas salaires, le diplôme demeure un atout essentiel. (c) Fotolia

Les jeunes précaires, précise encore Louis Maurin, sont essentiellement « des étudiants, des familles monoparentales, des immigrés, des jeunes isolés avec, pour beaucoup, des problèmes de santé mentale ».

Et des non diplômés. Nombre de sociologues, dont Denis Colombi, qui s'est fait connaître pour sa critique du regard moralisateur des classes aisées sur les dépenses des classes pauvres, situent la fracture au niveau de l’école. « Les jeunes en difficulté sont massivement ceux qui n’ont pas eu la chance de faire des études », souligne-t-il. 

Face à la précarité, au chômage et aux bas salaires, le diplôme demeure un atout essentiel. Dans un pays où le titre scolaire est sacralisé, ceux qui n'en sont pas dotés passent en dernier.

En cause, le système scolaire français qui creuse les inégalités sociales des élèves tout du long de la scolarité et fige les trajectoires personnelles.

Cette tranche d’âge est aussi la moins bien couverte par la protection sociale, tout du moins les moins de 25 ans sans ressources, qui restent exclus du droit au Revenu de solidarité active RSA.

Une maman et son fils lors d'une distribution alimentaire
Les inégalités socioéconomiques affectent tous les domaines de la consommation, y compris l’alimentation. (c) iStockPhoto

Contre les inégalités, s’informer

Que faire alors ?  « Il faut repenser l’école pour éduquer à la confiance en soi, à la solidarité et à la tolérance, sans humilier personne, investir plus par le logement », martèle Louis Maurin, qui refuse les discours fatalistes.

Le directeur de l'Observatoire invite également à travailler davantage les questions de la mobilité et de l'accueil des jeunes enfants.

Et à informer, notamment la jeunesse, à l’écouter, pour l’aider à développer son esprit de tolérance et de solidarité.

Philosophe, Denis Colombi conclut : « La précarité de la jeunesse nous concerne tous. Nous avons bien réussi à éradiquer la pauvreté des personnes âgées en mettant en place en 1945 le système des retraites. Des solutions existent ! »

DEUX QUESTIONS À  : Antoine Dulin, vice-président du Conseil d'orientation des politiques de jeunesse (COJ), commission administrative consultative placée auprès du Premier ministre, conseiller social solidarités au cabinet du président de la métropole de Lyon

De quoi souffrent, selon vous, le plus les jeunes adultes en précarité ?

De l’isolement social et du manque de liens. Ces jeunes issus de familles pauvres et modestes, passés, pour certains, par la Protection de l’enfance, sont la population la plus touchée par le chômage.

Préoccupés qu’ils sont par leur quotidien, ils sont empêchés de se projeter vers l’avenir (formation, métier) et souffrent d’anxiété, voire de problèmes de santé mentale de plus en plus préoccupants.

Que préconisez-vous pour changer la donne ?

Un changement en profondeur du système de formation initial, pour qu’il soit le plus inclusif possible et permette à tous les jeunes d’accéder à l’ensemble des diplômes. Notre système d’éducation fonctionne beaucoup sur la sélection par l’échec et s’attache trop aux élèves qui réussissent, creusant les inégalités scolaires.

Il est temps aussi de sécuriser le parcours des jeunes de plus de 18 ans les plus en difficulté en leur donnant accès à un revenu minimum garanti dès 18 ans, sous condition de ressource, doté d’un accompagnement dans leur parcours. Et ce, sans limite de durée, jusqu’à ce qu’ils soient autonomes.

Ce n’est pas les mettre dans l’assistanat que de leur garantir ce droit. Autrement, le risque est grand de le voir s’enfoncer encore plus dans une dynamique de précarité déjà existante.

Pour aller plus loin :

- Observatoire des inégalités : www.inegalites.fr

- Des ateliers et des outils pédagogiques à destination de 11-25 ans (et même plus) sur les inégalités et les dicriminations 

- Un livre : Où va l’argent des pauvres, de Denis Colombi, Éd. Payot

À  Apprentis d’Auteuil

  • Face aux inégalités en matière d'éducation et d'acquisition d'un diplôme, Apprentis d'Auteuil agit prioritairement dans le domaine de la lutte contre le décrochage scolaire dans ses établissements scolaires et de formation.
  • La fondation a aussi mis en place différents dispositifs d’insertion pour les jeunes éloignés de l’emploi : préparation à l’apprentissage avec Pro'pulse prépa apprentissage, accompagnement social et professionnel qui s'adapte aux profils et aux besoins avec Impact JeunesBoost InsertionSkola
  • La lutte contre la précarité des jeunes est l'un des axes de son dernier plaidoyer (solutions 6, 7, 8, 13, 18, 20...) : https://prendrelepartidesjeunes.fr/nos-solutions/garantissez-acces-droits/