Amir Laïeb : du lycée Sainte-Thérèse aux studios de Fun Radio

Du lundi au vendredi, Amir Laïeb officie incognito ou presque dans les studios de Fun Radio à Neuilly-sur-Seine. Il laisse les manettes à son associée et à ses quinze salariés (animateurs, directrice artistique, réalisateurs son et vidéo, community managers, standardiste...) pour créer, réaliser et diffuser l’émission de Cartman, animateur radio et comédien. « C’est une émission d’actualités et de bonne humeur où les auditeurs apprennent des choses et se détendent de 19h-22h, explique-t-il. Aucun thème tabou, uniquement des sujets maîtrisés, pour avoir une chance d’entrer dans le quotidien des gens et d’exister dans le paysage audiovisuel. » 

Derrière les mots d’Amir Laïeb, cofondateur en 2016 et producteur délégué de Follow Prod, une société de production audiovisuelle, transparaissent rigueur, lucidité et fierté légitime. « Si j’avais écouté tout le monde autour de moi, je n’en serais pas là. » 

Une histoire à écrire

De son enfance, Amir se souvient de sa passion, dès 8-9 ans, de la radio. « Mon père écoutait les infos et ma mère de la musique, orientale notamment. Je rêvais d’acheter des disques, mais comme ce n’était pas dans les habitudes familiales. Je me consolais avec Fun Radio, NRJ, Sky, mes trois stations préférées. Fun Radio déjà ! Mais, sans relation dans les médias, cet univers m’apparaissait inaccessible. » D’autant plus que, quelques années plus tard, au grand dam de ses parents, le collégien ne s'implique plus dans son travail et retrouve, midi et soir, ses copains près de Cergy-Pontoise. « Nous nous entraînions pour faire du parkour : franchir toutes sortes d’obstacles, à la seule force de notre corps. Avec un petit succès, puisque nos vidéos étaient diffusées sur la chaîne de télé Disney Channel ! Jusqu’au jour où, dans un salto arrière, je me suis cassé une vertèbre. J’ai eu beaucoup de chance de m’en sortir indemne. J’ai décidé d’arrêter le parkour et de me réfugier dans les études. » 

Au même moment, sa mère entend parler des établissements Sainte-Thérèse à Paris. « Elle voulait m’éloigner de mes copains pas très fréquentables et me mettre à l’internat. Mon père, lui, me voyait ingénieur. Moi, je savais que j’avais une histoire à écrire. J’avais peut-être intérêt à quitter ma banlieue pour repartir de zéro et être moi-même. »

Au passé, au présent, et au futur 

Amir intègre le lycée et l’internat éducatif et scolaire Sainte-Thérèse, à Paris, de 2005 à 2010. « Je me suis fait des copains asiatiques, africains. J’ai découvert d’autres classes sociales. Avec les professeurs et les éducateurs, j’ai gagné confiance en moi. J’ai repris goût au français et aux langues, j’ai participé à des ateliers d’improvisation et de musique assistée par ordinateur. Des bénévoles m’ont donné des cours de soutien. » Amir ajoute : « À l’aumônerie, on parlait du christianisme, de l’islam, du judaïsme, sans aucun prosélytisme, en confrontant nos idées, en apprenant énormément de choses, en grignotant aussi des gâteaux et du chocolat ! Je ne voulais plus rentrer chez moi, car je m’y ennuyais et l’ambiance familiale était assez dure. » 

La suite, en résumé ? Quelques tâtonnements entre une année de droit à l’université Paris-Panthéon-Assas, dans le cadre du parcours conçu pour faciliter l’intégration d’élèves avec un niveau scolaire plus faible, où il se retrouve « bien seul », puis quelques mois en filière sportive à l’UFR Staps de Rouen et de Montpellier pour satisfaire son père. « J’ai compris que je ne serai jamais un athlète de haut niveau. » 

L’horizon s’éclaircit enfin lorsqu’il réussit le concours de One School, une école de radio à Ivry-sur-Seine. « J’allais changer de vie ! » En deux ans d’études et de nombreux stages dans différentes stations - NRJ, Évasion, Chante France - Amir découvre toutes les facettes du métier, travaille pour l’animateur de NRJ Sébastien Cauet, et rejoint Fun Radio en juin 2014. « Ma méthode ? Être discret et bien travailler pour me rendre indispensable. » 

Depuis 2016, avec Follow Prod, Amir imagine de nouveaux supports, de nouvelles émissions, de nouvelles coopérations. « J’ai 800 000 idées à la minute ! », avoue-t-il. Il sait détecter les talents, valoriser les compétences, installer la confiance et voir en grand. « Je vis aussi avec la peur de tout perdre, nuance-t-il. Le syndrome de l’huissier – il vient et prend tout – alors que tout va bien pour moi. »

Autre étape importante, il y a un an, Amir se mariait. « Ma femme, mon essentiel. » Comment se voit-il dans dix ans ? « Quand on est heureux, on n’espère pas gagner des mille et des cents. Je vis une super aventure et je sais d’où je viens. J’ai définitivement le goût de la liberté de penser, d’être, de faire, de choisir. Je veux pouvoir avoir plusieurs vies. »