William et sa maman
Protection de l'enfance

Moi, Laetitia, 40 ans, mère d'enfants placés

Mère de quatre enfants, dont trois lui ont été retirés il y a deux ans - et l'un d'entre eux confié à une maison d'enfants d'Apprentis d'Auteuil - Laetitia, 40 ans, ne regrette rien. Ou presque. Avec le recul, elle comprend même combien cet événement lui a, quelque part, sauvé la vie. Témoignage. 

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Laetitia, une maman séparée pendant deux ans de ses enfants, raconte pourquoi et ce qu'elle en a retiré pour elle et pour sa famille.
William et sa maman
Laetitia entourée de son fils William, encore suivi cette année par des éducateurs d'Auteuil (c) Apprentis d'Auteuil

« Je suis mère de trois garçons âgés de 21, 17 et 11 ans et d’une petite fille de 8 ans. Les placements d’enfants ont la plupart du temps mauvaise presse. Je voulais témoigner qu’ils peuvent aussi sauver des vies. 

La garde de mes deux plus jeunes enfants et de leur frère adolescent m’a brusquement été retirée il y a deux ans, peu après la rentrée scolaire. Un parent d’élève avait fait un signalement (anonyme) après avoir assisté à une altercation entre mon mari et ma fille, un matin, sur le parking de l’école. Énervé après elle, il lui avait, il est vrai, violemment parlé. Une enquête s’en est suivie.

Révolte totale

Deux mois plus tard, mes petits étaient placés en foyer et mon ado suivi à domicile par Apprentis d'Auteuil (établissements Sainte-Jeanne-d'Arc). Soit dit en d’autres mots, un éducateur viendrait régulièrement chez moi, sur ordre du juge, pour me faire la leçon…

Totalement révoltée, j’ai commencé par refuser de dialoguer avec l’éducateur qu’on m’avait attribué. À l’époque, mon fils William - c’est son nom - se mettait en danger sur les réseaux sociaux et avait commencé à voler dans les magasins. Les gendarmes avaient même débarqué un jour chez nous…

Burn-out sévère

De mon côté, je rabaissais en permanence mes enfants et j’étais en train de les détruire. Notamment William, contre lequel j’étais particulièrement en colère à cause de ses écarts de conduite préoccupants. Je cumulais aussi les problèmes de santé. À tel point que, n'en pouvant plus, j’avais pris rendez-vous avec un avocat pour demander le divorce. Bref, j’étais en burn-out sévère, mais je ne voulais rien voir.

Encouragée par la bienveillance des équipes d’Apprentis d'Auteuil qui ne lâchaient rien, j’ai fini par accepter de suivre des séances d’hypnose pour apprendre à lâcher prise (j’étais énormément dans le contrôle), puis à prendre rendez-vous chez un psychologue.

Illustration de l'accueil de parents, lors d'un atelier parent-enfant
Atelier parent-enfant, sous l'oeil attentif d'une professionnelle, à l'accueil de jour Janusz Korczak d'Apprentis d'Auteuil (Paris 15e) - Photo : Besnard/Apprentis d'Auteuil

Blessure d'abandon

Au fil des séances, le déclic attendu s’est produit : je re-jouais avec mes enfants ce que j’avais moi-même vécu enfant ! Là était la réponse. Ou du moins, son début. Aînée d'une fratrie de cinq, dont trois d’une deuxième union de ma maman, j’ai été élevée très sévèrement. Mes parents se sont séparés quand j’avais cinq ans et mon père, que j’admirais énormément, est parti rejoindre sa nouvelle compagne. 

Un abandon que j’ai très mal vécu. Ma mère a alors rencontré un autre homme et trois enfants sont nés de cette nouvelle union. Déjà dure avec moi avant sa séparation, elle a continué à mal me traiter, n’hésitant pas à me frapper. C’était une autre époque, je le sais. Et elle a fait au mieux avec les moyens qu’elle avait. N’empêche qu’on ne sort pas totalement indemne de ce genre d’enfance...

Ma place retrouvée

Les premiers fruits du travail entrepris n’ont pas tardé à se faire sentir, d’autant plus qu’on m’avait invitée, entretemps, à partir au vert en maison de repos, tellement j’étais épuisée. Ce que j'ai fait, contrainte et forcée. Peu à peu, j’ai retrouvé ma place de mère, je me suis mise à mieux communiquer avec mon mari et j'ai pu récupérer mes deux enfants plus jeunes.

Quant à William, d'abord pris en charge par un éducateur à domicile d'Apprentis d'Auteuil, Il est parti vivre en famille d’accueil puis dans une maison d’enfants. Un éloignement s'imposait. Il continuait ses bêtises et ses mensonges et j'étais sans doute encore trop dans l’affect à ce moment-là pour le raisonner.

Le lycée professionnel Sainte-Jeanne d'Arc de Loches
Le lycée professionnel agricole (et centre de formation) Sainte-Jeanne d'Arc de Loches
Photo : JP Pouteau/Apprentis d'Auteuil

Un nouveau William

Loin de moi, de son père et de sa fratrie, et encadré par des professionnels très humains, il a commencé, lui aussi, à changer. Aujourd’hui, il va beaucoup mieux, vient de revenir à la maison et poursuit des études qui lui plaisent. Encore suivi à sa demande par un professionnel d'Apprentis d'Auteuil qui vient chez nous, il consolide sa nouvelle vie. Il sera majeur en août 2024. 

Renaissance

Je suis très reconnaissante envers les équipes d’Apprentis d'Auteuil qui m’ont aidée à traverser cette épreuve. Même si  - j’ose le dire - j’ai parfois dû faire valoir mon point de vue par rapport à certaines décisions à prendre. Je conseille à tous les parents de ne pas hésiter à demander de l’aide quand ils sont en difficulté. Même et surtout si ce qu'ils vivent leur semble insurmontable. On n’en meurt pas. Bien au contraire, on en revit !   »

LE POINT DE VUE DES PROFESSIONNELS
Elisa CHHAY, éducatrice à l’unité de vie le Patio, une Maison d'enfants qui accueille 12 jeunes de 9 à 14 ans. Implantés dans le département de l'Indre-et-Loire, les  établissements Sainte-Jeanne-d'Arc accompagnent plus de 375 jeunes âgés de 0 à 21 ans, sur cinq services (dont le Patio). 

« J’ai été référente du jeune William à son arrivée à la MECS de Loches où je travaille comme éducatrice. C’est à ce titre que j’ai travaillé avec madame C, sa maman, en lien avec le séjour de son fils dans nos structures, au titre de la Protection de l’enfance. Je tiens à souligner la qualité de son implication et la capacité dont elle a fait preuve à se remettre en question après l’annonce du placement de son enfant, compliqué pour elle. Madame a vite pris le recul nécessaire pour que la situation se débloque, prenant nombre d’initiatives et créant avec nous une vraie relation de confiance. Ce fut un vrai travail de co-éducation qui a permis à l’adolescent en grande difficulté qui s’était présenté à nos services de se transformer, en l’espace de quelques mois. Une vraie métamorphose ! »