Un booster d'insertion avec un jeune accompagné
Formation et insertion

« L'aller-vers » en travail social, une approche professionnelle en plein essor

En plein essor, la démarche de « l’aller-vers » est une posture professionnelle de plus en plus plébiscitée par les travailleurs sociaux. Notamment ceux d'Apprentis d'Auteuil. À quoi sert-elle, en quoi consiste-t-elle, pourquoi en parle-t-on autant ? Éléments de réponse avec Frédéric Maignan, formateur en travail social et enseignant à l’UFR de sociologie de Nantes Université.

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Aujourd'hui, les travailleurs sociaux sortent de plus en plus de leurs bureaux pour rejoindre sur le terrain, là où elles vivent, les populations dont ils s'occupent. Et du coup, leur permettre d'avoir plus facilement accès à leurs droits. C'est ce qu'on appelle la démarche de "l'aller vers".

Qu’est-ce que la démarche « d’aller-vers  » ?

Frédéric Maignan
Frédéric Maignan, formateur en travail social
et enseignant à l'université de Nantes (c) DR

Il n’existe pas de définition rigoureuse de « l’aller-vers ». Ce n’est ni un concept scientifique ni un dispositif de plus, mais une approche qui invite les professionnels du secteur social à sortir physiquement des structures dans lesquelles ils exercent, pour aller au-devant des personnes dans le besoin, dans les lieux où ils vivent, alors qu’ils ne demandent rien.

Ceci pour leur donner plus facilement accès aux aides auxquelles ils ont droit - et qui, non réclamées sont autant de freins à leur insertion sociale et professionnelle - et contribuer ainsi à leur mieux-être et à leur autonomie.

La démarche repose sur une dimension relationnelle importante.

Cette démarche est-elle récente ?

Non, « l’aller-vers » est loin d’être une pratique nouvelle. Les maraudes, visites à domicile et autres tournées de rue des éducateurs de prévention spécialisée sont autant d’exemples historiques de démarches d' « aller-vers » dans nos métiers.

Malheureusement, pour des motifs essentiellement économiques, la profession s’est petit à petit bureaucratisée. Aujourd'hui, les travailleurs sociaux passent trop de temps derrière leurs ordinateurs, ce qu'ils déplorent tous, au détriment de vraies rencontres avec les personnes...

En quoi l'« aller-vers » est-il intéressant ?

C'est avant tout, comme je le disais, une réponse, cruciale, à la question du non-recours aux droits (NDLR : le non-recours désigne le fait qu’une personne ne perçoit pas une aide ou une prestation alors qu’elle remplit toutes les conditions pour en bénéficier), qui va croissant depuis des d’années dans notre pays.

Notamment à cause de la complexité de notre système de protection sociale et du manque de moyens humains, une partie non négligeable de la population française n’accède pas aux prestations ou aux services qui lui sont destinés. Pour les professionnels, l’enjeu principal de « l’aller-vers » consiste à combattre ces inégalités à la source, avant que les difficultés ne soient installées.

Un vrai retour à la vocation première du métier de travailleur social, doté d'avantages intéressants : repérage précoce des situations, capacité d’intervention rapide, rôle d’interface entre l’usager et les structures de prise en charge, etc.

Que requiert « l’aller-vers »  de la part des professionnels ?

Entreprendre des démarches « d’aller-vers » nécessite avant tout une réelle réflexion au niveau des projets institutionnels, de vrais changements en termes d'organisation interne et de formation et des prises de décisions de la part des directions.

Ceci étant dit, les professionnels de terrain sont souvent partants car la démarche les remet au cœur de leur métier. Ils doivent bien entendu s’y former et être disposés à changer leurs postures.

Deux boosters d'insertion avec une jeune accompagnée
Les boosters d'insertion du programme Impact Jeunes d'Apprentis d'Auteuil vont à la rencontre des jeunes là où ils vivent : une vraie démarche "d'aller vers", ici dans les Bouches-du-Rhône ! (c) JC Verchère/Apprentis d'Auteuil

Quelles sont les limites de l’aller-vers ?

L’aller vers ne résout pas tous les problèmes de pauvreté, de précarité ou d’inégalité de notre pays et la question de ses limites se pose sur le plan éthique. Soit dit en d’autres mots, jusqu’où aller sans forcer l’adhésion des bénéficiaires

Pourquoi entend-on autant parler de cette démarche dans le secteur social ?

Parce qu’elle fait partie d’un changement majeur initié en janvier 2013, avec les États généraux du travail social. Dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté qui s’en est suivie, l’État a positionné en janvier 2020 la démarche de l’aller-vers comme un axe fort d’appui pour les travailleurs sociaux et les professionnels de l’intervention sociale (1), leur demandant de s’y former et de s’y engager afin qu’ils jouent un rôle moteur dans sa mise en œuvre.

En quoi êtes-vous personnellement intéressé par cette approche ?

Formateur en travail social, je donne de plus en plus de formations sur cette thématique depuis 2020, suite aux décisions prises par le Ministère. Je la trouve passionnante à creuser. Elle répond à des enjeux essentiels de la part des professionnels, questionne le sens profond de leurs métiers...

Par ailleurs enseignant à l’université de Nantes, je viens de lancer, avec une équipe d’étudiants en Master Intervention et Développement social - un diplôme qui vise à former des cadres dans le secteur social-, l’étude d’impact social d’un espace de vie social de Nantes, Manou Partages, très en pointe dans l’aller-vers.

Située dans un quartier prioritaire de la ville, le quartier du Ranzay, l’association s’est donné pour mission de mettre en lien des enfants et des parents avec des grands-parents de cœur. Un travail d’analyse prometteur !

(1) cf le plan de formation continue à destination des travailleurs sociaux
 

À lire : 

  • « L'aller-vers » en travail social : une mutation des pratiques et des organisations, de Roland Janvier, éd. Champ social
  •  Des liens et des lieux, l'aller-vers en pratiques, INJEP, collection "Les cahiers de l'action", n°59, décembre 2022
  • Pauvreté, le pari de « l'aller vers », revue Projet n°397 

À APPRENTIS D'AUTEUIL

En perte de confiance, cumulant les problèmes, de plus en plus de jeunes ont tendance à ne plus pousser les portes des organismes qui pourraient les orienter, renonçant à bénéficier des aides auxquelles ils pourraient prétendre. 

Pour répondre à cette problématique, la fondation met en place depuis plusieurs années différents dispositifs novateurs permettant aux professionnels d'aller vers les jeunes là où ils vivent, dans les lieux qu'ils fréquentent : cages d'escalier, quartiers, rue, zones rurales, etc. Et notamment via des bus, pour se rendre plus proches d'eux : Impact jeunes, Potent'ielles, le Bus des Possibles, etc.