Jeune femme regardant le ciel, lumière de fin de journée
Accompagnement des parents

Nathalie, victime de violences conjugales : « La société progresse trop lentement »

Il y a deux ans, Nathalie a réussi à fuir le domicile conjugal après des années de violences, de menaces, de coups. Elle et sa fille de 5 ans ont été accueillies et accompagnées par Le Bercail, à Chartres. Cette maman de deux enfants, dont un grand fils de 21 ans, témoigne de son chemin de résilience.

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Nathalie, victime de violence conjugales, a réussi à fuir son domicile il y a deux ans pour rejoindre Le Bercail, à Chartres, où elle est accompagnée, avec sa petite fille de 7 ans. Elle raconte son chemin de résilience.

L’isolement

Je suis partie de chez moi en mars 2020, la veille de l’anniversaire de ma fille, au début du confinement. Je subissais des violences physiques, psychiques, sexuelles et économiques depuis des années. Née à Paris, j’habitais à Saint-Germain-en-Laye jusqu’à ce que nous déménagions dans un petit village entre Chartres et Dreux. J’étais dans une belle maison, mais isolée, je ne connaissais pas les voisins. C’était une prison dorée.

Le poids de l’emprise

L’emprise est un phénomène étrange. À chaque violence, on trouve une raison de ne pas partir : il était fatigué, c’est dû à son histoire, ce n’est pas le bon moment, où vais-je aller... Après, il demandait pardon, me demandait de revenir, me disait qu’il allait changer, qu’il ne recommencerait plus. L’instinct vous dit pourtant que quelque chose cloche. Cela a duré jusqu’au jour où il m’a lancé : « Il y aura bientôt un fait divers. » Cela a résonné en moi, j’ai pris conscience que j’allais finir au fond du jardin.

La force de partir

Quelques années auparavant, j’avais atterri à l’hôpital. Là-bas, j'ai rencontré des professionnelles qui m’ont parlé, m’ont soignée, m’ont soutenue. Une dame de la Protection maternelle et infantile m’avait dit : « Si vous retournez chez vous, on ne vous en voudra pas. Mais sachez qu’on est là pour vous, à tout moment. » Elle savait combien c’est difficile de partir. Et effectivement, je suis revenue à la maison. Ma fille réclamait son papa, Noël approchait.

Après cette menace, j’ai appelé cette personne, qui m’a dit, vous avez deux heures pour partir. C’est elle qui a parlementé avec mon conjoint et qui l’a convaincu de nous laisser partir. Après, j’ai été accueillie au Bercail. Derrière la porte cochère, on ne soupçonne pas le havre de paix, un lieu rempli de rires d’enfant et de joie. Où on peut souffler et se reconstruire.

La lente reconstruction

Les premiers temps, j’étais submergée par la fatigue, les nerfs lâchaient. Pendant longtemps, je n’ai pas voulu entendre le mot victime. Au Bercail, nous sommes très bien entourées. Mme Barthe, la directrice, nous transmet son énergie, sa force. Elle est toujours dans l’action et nous montre que tout est possible. C’est cela qui m’a sauvée, en plus de l’équipe, des ateliers proposés, des autres femmes, des rires partagés.

Le regard de la société

La société progresse sur ces questions des violences, mais lentement, et surtout dans les métropoles. Les voisins qui entendent les violences sans réagir ne mesurent pas les conséquences et la gravité de leur silence. Il y a de l’incompréhension, du mépris, de la condescendance. Nous sommes considérées comme des cas sociaux. Et pourtant cette violence touche tous les milieux, toutes les catégories socio-professionnelles. Il y a beaucoup à faire : les dépôts de plainte sont toujours difficiles dans les commissariats : nous ne sommes pas crues ni entendues la plupart du temps. L’éducation, aussi, bien sûr, est primordiale, c’est la base de tout. La vision de la femme, de ce qu’est une femme, de sa place dans la société est encore archaïque : sois belle, travaille, occupe-toi de la maison, des enfants, des papiers... Le regard de la société nous emprisonne, mais aussi notre propre regard, notre honte.

L’avenir

Je suis titulaire d’un titre de négociateur immobilier et je prépare aujourd’hui un bachelor de responsable chargée d’affaires immobilières pour pouvoir diriger une agence immobilière. Ce que j’aimerais, c’est aider les femmes séparées et victimes à se loger. Car quand on part, on laisse tout. L’homme reste souvent dans la maison. On doit tout reconstruire pour soi et ses enfants.

Photo d'illustration : (c) iStockPhoto

À Chartres, Le Bercail accueille les femmes et leurs enfants au sein de trois services

  • Un hébergement d’urgence, de prévention et d’insertion pour les femmes victimes de violences ou en situation de précarité.
  • Un accueil de jour pour l’accompagnement à la parentalité et à la périnatalité.
  • Un Bercail nomade avec un camping-car qui sillonne les secteurs ruraux et les quartiers prioritaires du département et va à la rencontre des femmes pour rompre leur isolement.

À voir, le court-métrage Chemin de renaissance réalisé par des femmes du Bercail, grâce à des ateliers théâtre et l'accompagnement de professionnels.


Résidence sociale mère-enfant
Le Bercail 28
15-21 rue de la Croix-Jumelin
28 000 Chartres
Tél. 06 30 82 90 16

Le documentaire "Chemin de renaissance".
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