PISA 2022 : des résultats en forte baisse en France et dans la plupart des pays développés

Cette nouvelle édition de PISA est notamment marquée par une forte baisse notamment en mathématiques en France. De quelle ampleur ?

Effectivement, nous avons observé une baisse historique de la performance des élèves dans la plupart des pays de l’OCDE. Elle a baissé de 15 points en mathématiques et de 10 points pour la compréhension de l’écrit entre 2018 et 2022. C’est la première fois que l’on constate une baisse aussi forte entre deux études ! Dans ce contexte mondial, la France a chuté encore un peu plus. La performance des élèves a baissé de 21 points en maths et de 19 points en compréhension de l’écrit. En sciences, les performances sont restées stables. Précisons que la France n’est pas la seule dans le "bateau" des mauvais élèves. Des pays comme l’Allemagne ou la Finlande (qui était un pays que l’on mettait en avant), ont chuté encore plus lourdement que la France sur cette période.

Quel a été l’impact de la crise Covid sur ces résultats ?

Le Covid a été un accélérateur de cette chute. Mais les pays qui ont fermé leurs écoles plus longtemps n’ont pas vu leurs résultats baisser plus que ceux qui ont laissé leurs établissements scolaires ouverts plus longtemps, comme en France.

Comment expliquez-vous ces résultats pour la France ?

Le premier facteur est le manque d’attractivité du métier d’enseignant qui existe au niveau mondial et en France particulièrement. Dans l’étude PISA 2022, les chefs d’établissement ont été beaucoup plus nombreux à indiquer une pénurie d’enseignant : 67 % des élèves ont dû faire face à une pénurie d’enseignant. Ils n’étaient que 17 % en 2018 ! La tendance est la même dans beaucoup de pays de l’OCDE. Cela joue évidemment sur la performance des élèves.

Deuxièmement, dans les pays (Estonie, Autriche, Suisse, Irlande, Japon, Corée) où la baisse des résultats a été moins marquée, les élèves se sentent plus soutenus par leurs enseignants. En France, seulement 52 % des élèves disent que les enseignants s’intéressent à leurs progrès. La moyenne des pays de l’OCDE est de 63 %. En France, seulement 62 % des élèves disent recevoir de l’aide quand ils en ont besoin. La moyenne des pays de l’OCDE est à 70 %. Sur toutes ces dimensions de soutien des élèves par les enseignants, nous ne sommes pas très bons en France.

Enfin, nous avons constaté une baisse significative de l’implication des parents dans la scolarité de leur enfant. Cette implication a fortement baissé, notamment dans les établissements défavorisés.

Autre résultat, la France reste toujours parmi les pays les plus inégalitaires.

Effectivement, le fait de venir d’un milieu socio-économique défavorisé représente un handicap plus fort en France que dans de nombreux pays. Les élèves des milieux les plus défavorisés ont ainsi 10 fois plus de chances de se retrouver en difficulté au test PISA en mathématiques. C’est l’une des proportions les plus élevées au monde avec la Belgique, la Suisse et les Républiques tchèques et slovaques !

Le choix des filières a aussi une incidence sur les performances des élèves. Les élèves les plus en difficulté sont ainsi surreprésentés dans les filières professionnelles. Pourquoi ?

Les inégalités se retrouvent effectivement dans les choix d’orientation. Les filières professionnelles où se trouvent les élèves les plus d’élèves en difficulté ou en échec scolaire viennent en majorité de milieux défavorisés. En France, les élèves des filières professionnelles obtiennent des résultats de 90 points inférieurs aux élèves des filières générales et technologiques. C’est considérable !

L’étude PISA 2022 a également évalué le climat scolaire.

Un élève sur cinq dit avoir été victime d’une forme de violence scolaire plus d’une fois par mois au cours de l’année 2022. Le chiffre est stable par rapport à 2018. La France se situe dans la moyenne des pays de l’OCDE. En revanche, les violences sont plus présentes dans les zones rurales (33 % dans les villes de moins de 1000 habitants contre 19 % dans les grandes villes), pour les élèves défavorisés (26 % contre 18 % chez les élèves issus de milieux favorisés) et pour les filles (24 % des filles contre 24 % des garçons).

Après ces résultats, le ministère de l’Education nationale a annoncé plusieurs mesures : refonte des programmes dans le primaire, groupes de niveaux au collège… Qu’en pensez-vous ?

Depuis une dizaine d’années, ces résultats PISA pour la France incitent les différents ministres à prendre des mesures. Il faut néanmoins rappeler que l’étude PISA, qui évalue la performance des élèves à l’âge de 15 ans, est le reflet d’inégalités qui ont débuté à l’école primaire. Pour ce qui est des groupes de niveaux, les données de l’étude PISA montrent qu’ils donnent plutôt des bons résultats notamment en mathématiques. Mais il faudra être vigilant quant à la mise en œuvre de cette réforme qui ne doit pas enfermer les élèves dans les groupes de niveaux. Ces groupes doivent être flexibles et permettre aux élèves de passer facilement d’un groupe à l’autre. Cela nécessite aussi que les enseignants, notamment ceux qui s’occuperont des élèves les plus en difficulté, soient exigeants et bien formés si l’on veut que cette organisation en groupes soit profitable à tous.

Dans cette édition 2022, vous avez également évalué l’impact des appareils numériques sur les apprentissages. Quels sont les résultats ?

Un chiffre est assez préoccupant : en moyenne dans les pays de l’OCDE, 51 % des élèves disent être anxieux lorsqu’ils sont loin de leur téléphone. En France, nous sommes à 46 %. Entre 25 et 30 % des élèves sont distraits par un appareil numérique pendant les cours. Malgré tout, les élèves qui les utilisent modérément, jusqu’à une heure, obtiennent de meilleurs résultats en mathématiques. Il faut donc créer un cadre d’utilisation pour les outils numériques plutôt qu’interdire les téléphones portables.