Protection de l'enfance

La santé, un enjeu majeur pour les enfants confiés à l’Aide sociale

Annoncée lundi par le secrétaire d'Etat, Adrien Taquet, la Stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance 2020-2022 prévoit notamment de renforcer la prévention en matière de santé pour les enfants pris en charge par l'Aide sociale à l'enfance. Éclairage sur ce sujet de Nathalie Vabres, pédiatre coordonnateur au CHU de Nantes. Elle a élaboré un parcours pilote de santé, lancé en Loire-Atlantique en cette fin d’année.

En 2017 paraissait un rapport sur les besoins fondamentaux des enfants en protection de l’enfance. Quels enseignements avez-vous tirés ?

Nathalie Vabres, pédiatre coordonnateur au CHU de Nantes © DR

Ce rapport (1) expliquait les besoins fondamentaux universels de l’enfant : la sécurité physique et affective pour bien grandir, acquérir des connaissances et développer des compétences. Le besoin d'expérience et d'exploration du monde. Le besoin de cadre, de règles et de limites, le besoin d’estime et de valorisation de soi. Enfin, le besoin d’identité.
Il détaillait également les besoins spécifiques des enfants ayant subi des expériences négatives, comme les violences physiques, psychologiques ou sexuelles, qui font le lit d’une certaine vulnérabilité dans l’enfance et à l’âge adulte. Et peuvent provoquer des soucis de santé tout au long de la vie : anxiété, voire des conduites agressives ou addictives. Ces enfants qui pâtissent souvent d’un lourd passé médical lié à leur histoire, voient leur développement compromis du fait des situations de stress, de négligence, voire de violence, auxquelles ils ont été confrontés. Il est donc essentiel de leur proposer suffisamment de bons soins

Quelles propositions avez-vous faites pour améliorer leur santé et leur accès aux soins ?

Nous nous sommes appuyés sur le principe, non pas d’égalité, mais d'équité. Un principe très bien expliqué par les Canadiens à travers l’exemple de trois enfants - un grand, un moyen et un petit – qui regardent un match de football derrière une barrière. Si l’on apporte à chacun la même aide – un marchepied pour s’élever -, le grand n’en aura pas besoin et le petit ne verra pas davantage. Il lui faudra deux marchepieds ! Les enfants pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance ont besoin d’équité.

Comment allez-vous concrètement mettre en œuvre ces propositions ?

En organisant un parcours de soins coordonné pour chaque enfant, dès qu’il est confié à l’ASE. Autrement dit, un bilan de santé à la fois médical et psychologique, puis un suivi régulier, totalement pris en charge par la Sécurité sociale. D’où cette expérience pilote en Loire-Atlantique.

Avec quelles compétences ?

Ce projet (2) est coordonné par le CHU de Nantes, avec le recrutement de médecins généralistes volontaires. Ils seront formés sur l’impact des expériences négatives sur le comportement et le développement psycho-affectif de l’enfant et ne devront pas passer à côté des pathologies habituelles (angine, diabète...). Le médecin-référent établira un carnet de santé en ligne pour chaque jeune suivi. Les informations seront transmises au médecin référent de l’ASE, via la structure de coordination qui veillera, par exemple, à ce que tous les rendez-vous médicaux auprès de généralistes ou de spécialistes soient pris.

Quels bénéfices ces enfants peuvent-ils en attendre ?

J’espère que les premiers que nous accueillerons début 2020 saisiront d’emblée que nous agissons dans leur intérêt supérieur et qu’ils comprendront l’importance de prendre soin d’eux ! (1)    "Démarche de consensus sur les besoins fondamentaux de l’enfant en protection de l’enfance" remis par le Dr Marie-Paule Martin-Blachais, le 28 février 2017, à Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes.

(2)    Projet placé sous la responsabilité de la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) en collaboration avec les institutions, fondations et associations liées à la protection de l’enfance.