Témoignages
26 mai 2020

Le rêve américain de Jacques Antheaume, un ancien d'Apprentis d'Auteuil

En traversant l’océan Atlantique en 1963, Jacques Antheaume, ancien de Saint-Jean à Sannois (95), a vécu son rêve américain. À la retraite depuis vingt ans, il revient sur son incroyable parcours. L’histoire d’un apprenti jardinier devenu chef de l’hôtel-casino Paris Las Vegas dans le Nevada.

Pas une seconde, il n’a hésité. Ni le décalage horaire ni le confinement toujours maintenu aux États-Unis n’allaient empêcher Jacques Antheaume, un ancien d’Auteuil, de témoigner ! « Dans la vie, j’ai appris une chose, prévient-il. Ne jamais se décourager et se surpasser. Toujours. » Puisant dans ses lointains souvenirs, Jacques Antheaume se rappelle de ce jour de 1954 où il est arrivé à Saint-Jean à Sannois, avec son père. Il avait 14 ans. « Tu vas vivre ici, m’a-t-il annoncé. Mon père travaillait alors comme agent commercial à Air France et s’occupait seul de Marie-Thérèse, ma sœur aînée, et de moi. Il n’y arrivait plus. Il a fallu que je choisisse un métier, mais je ne savais pas ce que je voulais faire. Le directeur m’a « proposé » jardinier. J’ai accepté, je n’avais pas vraiment le choix ! » 

À la dure

À Saint-Jean, la vie n’est pas toujours rose. Jacques se souvient du bois de chauffage à scier en forêt et à transporter à l’épaule, des nuits dans un dortoir de 100 garçons, de la douche du samedi réglée manuellement par un éducateur, et dont l'eau sort, soit brûlante soit gelée. Il se rappelle aussi des films que le père Barat, le directeur, lui demandait d’aller chercher à Auteuil Bon Cinéma dans le XVIe arrondissement de Paris, la salle créée par le père Brottier au siège de la fondation. Et des bons repas offerts par les religieuses de Sannois en remerciement de l’entretien de leur jardin. 
Jacques se forme au métier de jardinier en quatre ans. « Je n’ai pas eu de diplôme, mais cela ne m’a pas gêné. Quand on a des difficultés, on peut tout de même se sortir des mauvaises passes et réussir. Je peux en témoigner : j’ai perdu ma mère à 16 ans. » 
 En 1958, l’apprenti trouve un emploi chez Truffaut à Versailles. Puis c’est le service militaire, effectué en France et en Algérie, durant lequel il passe son permis et devient chauffeur. En 1962, il prend le premier job venu - livreur à Paris - et rencontre Gabrielle. « Ça été le coup de foudre ! confie-t-il. Je lui ai dit : Si tu veux te marier avec moi, il faudra me suivre aux États-Unis.  » 

Vive l’aventure !

« Dans la vie, j’ai appris une chose : ne jamais se décourager et se surpasser. Toujours ! » explique Jacques Antheaume, chef du Paris-Las Vegas, aujourd’hui à la retraite © DR

Grâce aux billets à tarifs préférentiels offerts par la compagnie aérienne pour laquelle son père travaille, le jeune homme passe des vacances à Las Vegas chez des amis de la famille. C’est là qu’il envisage une nouvelle vie outre-Atlantique. En juin 1963, Jacques Antheaume quitte la France pour vivre l’aventure, avec pour tout bagage sa Green Card (le sésame du résident permanent) et une petite valise. Gabrielle le rejoint neuf mois plus tard avec 100 dollars en poche. « Las Vegas, c’était le paradis ! Le soleil 365 jours par an, le désert Mojave et les parcs nationaux de Yosemite et du Grand Canyon ! » 

Jacques trouve un premier emploi d’apprenti cuisinier dans un complexe touristique aujourd’hui fermé. Très vite, des chefs français, allemands et suisses repèrent le jeune Français (ambassadeur de la gastronomie hexagonale) et lui ouvrent leurs cuisines. Jacques apprend à cuisiner sur le tas. « Aux États-Unis, il faut tout donner, s’améliorer sans cesse. On monte ainsi en grade et on reçoit un peu de reconnaissance. L’anglais, par exemple, je l’ai appris en cours du soir. Gabrielle, comme réceptionniste, et moi, comme chef, nous avons gravi tous les échelons. » Quid des casinos ? « Ni l’un ni l’autre n’avons joué un dollar. Jamais ! Nous sommes toujours rentrés et sortis par la petite porte des établissements où nous travaillions. »

À la tête d'une brigade de 150 cuisiniers

Le couple décide pourtant de rentrer en France. « Nous avions peur de ne pas réussir », avoue Jacques. Date du retour ? Mai 68 ! « Sans présent ni futur possibles en France, nous sommes immédiatement repartis ! » Le rêve américain, cette envie de réussir par ses décisions et ses actions, leur tend à nouveau les bras. Chacun reprend son métier. Jacques, au sein de différents hôtels, jusqu’au Paris Las Vegas où il termine sa carrière comme chef d'une brigade de 150 cuisiniers.
« Nous ne manquions ni de volonté ni de foi, reconnaissent Jacques et Gabrielle. Même avec des bâtons dans les roues, nous ne nous sommes jamais découragés. Pour me libérer l’esprit, je courrais toutes les semaines. J’ai ainsi participé à de nombreux marathons. Notre fils Xavier et notre petite-fille vivent près de chez nous. Nous voyageons dans le monde entier. Au quotidien, nous gardons le meilleur de la France et des États-Unis. Cela fait notre force.
Jamais je n’ai oublié ceux qui, à Saint-Jean, m’ont donné un bon départ dans la vie. Au début du confinement, alors que je voulais leur signifier mon attachement par un don spécial, j’ai reçu leur lettre égarée de Noël 2019. Un miracle ! »

Bio express

  • 1940 Naissance à Paris
  • 1954 Entrée à Saint-Jean à Sannois
  • 1963 Départ pour Las Vegas au Nevada
  • 1993 Inauguration de l’hôtel-Casino Treasure Island en tant que chef cuisinier
  • 1999 Inauguration du Paris-Las Vegas
  • 2000 Départ à la retraite