Deux jeunes accompagnés par Le Fil d’Ariane
Education et scolarité
10 février 2023

À Lyon, des solutions pour prévenir et lutter contre le décrochage scolaire

La persévérance scolaire, c’est un terme venu du Québec pour parler autrement du décrochage en visant l’objectif plutôt que le symptôme. À Lyon, un service dédié en a fait sa spécialité, se diversifiant d’année en année. Du sur-mesure qui permet de réinscrire un grand nombre de jeunes dans une dynamique d’apprentissage. Zoom sur ce service, alors que s’ouvre la Semaine de la persévérance scolaire.

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Un Service de prévention et de lutte contre le décrochage scolaire propose à Lyon et ses environs divers dispositifs aux jeunes et à leur famille. En lien avec des partenaires, il contribue à favoriser "la persévérance scolaire", un autre terme venu du Québec pour désigner le décrochage en désignant l'objectif souhaité plutôt que le constat d'échec.

« La beauté des études, c’est d’apprendre pour soi », affirme Nilay, 16 ans. À la voir si enthousiaste, passionnée par la musique, la photo, la philo, les langues étrangères, la couture, la pâtisserie, nul ne pourrait se douter de sa détresse passée. Il y quelques mois, lorsqu’elle a frappé à la porte du Fil d’Ariane, Nilay était victime de phobie scolaire. Aujourd’hui, réconciliée avec elle-même, Nilay suit un CAP pâtisserie en alternance. Elle en rêvait : « Avec la pâtisserie, on peut jouer sur les couleurs, les goûts, raconter une histoire. C’est esthétique. C’est vraiment de l’art, de l’art qui se mange ! »

Nilay, accompagnée par le Fil d’Ariane
Nilay, accompagnée par le Fil d’Ariane, a trouvé sa voie dans la pâtisserie.
(c) Apprentis d'Auteuil

Au Fil d’Ariane, un accompagnement sur-mesure

L’accompagnement du Fil d’Ariane (1), un des dispositifs du service dédié à la persévérance scolaire – termes venus du Québec pour parler autrement et de façon positive du décrochage - s’effectue au sein de deux lycées de Villeurbanne, Alfred de Musset et Frédéric-Faÿs. Là se retrouvent des jeunes de 16 à 21 ans déscolarisés et en situation d’exclusion, certains depuis un ou deux ans, repérés par l’Académie de Lyon. Ils présentent différentes fragilités, résultat d’un faisceau de facteurs scolaires, sociaux, médicaux, familiaux, qui conduisent au décrochage et entravent leur mobilisation en formation.

Atelier spam au Fil d'Ariane
Les ateliers artistiques proposés sont des leviers pour retrouver confiance en soi et motivation. Ici, la création d'un slam avec l’artiste Hassan Guaid.
(c) Apprentis d'Auteuil

C’est le cas de Kaÿs, qui avait bien du mal à se motiver au début de sa prise en charge il y a six mois. Il ne s’est pas présenté au stage de menuiserie auquel il était pourtant inscrit. « J’ai oublié... » Pour expliquer son décrochage, il raconte une orientation subie en CAP d’électricité : « Ça ne m’intéressait pas du tout, à la fin, je ne suivais plus. Je n’ai pas trop d’idées pour mon orientation. Mais j’ai envie de m’en sortir. » En ce début d’année, Kaÿs continue à être accompagné et remobilisé par les équipes.
Le jeune qui s’engage dans le dispositif se voit proposer un accompagnement très complet : des cours de remise à niveau dans les matières principales, un travail sur son orientation avec des stages de deux à trois semaines dans des domaines qui lui plaisent, l’intervention de professionnels qui témoignent de leur métier et des codes requis pour travailler en entreprise, du soutien scolaire, des sorties culturelles, des ateliers artistiques, d’autres de développement des compétences psychosociales. Référentes de plusieurs jeunes dont elles suivent le projet, les coordinatrices du Fil d’Ariane sont en lien constant avec la famille, le lycée, les partenaires, le psychologue. Ce soutien à 360° permet à une grande majorité de jeunes de reprendre pied, à la fois dans le domaine scolaire, mais aussi social.

Atelier au Fil d'Ariane
Les jeunes participent à un atelier sur les compétences psychosociales pour développer leur expression orale (avec la coach Jenny Lapendry).
(c) Apprentis d'Auteuil

En prévention, classe et ateliers relais

Le service collabore également avec les dispositifs relais de l’Académie du Rhône consacré à la prévention du décrochage scolaire pour des jeunes d’âge collège. La classe relais de la cité scolaire Lacassagne, à Lyon, s’adresse à des jeunes polyexclus d’âge collège, orientés par une commission Éducation nationale et Protection judiciaire de la jeunesse. Des sessions de sept semaines accueillent huit jeunes au maximum. « Nous travaillons sur le socle de connaissances, sur le rapport à l’autorité, sur la façon de prendre sa place dans un groupe, explique M. Blandin, le coordinateur Éducation nationale. Nous posons d’emblée un cadre très fort sur le respect des personnes et des locaux, auprès de ces jeunes chez qui on observe beaucoup d’immaturité. Cela fonctionne plutôt bien, en alliant exigence et bienveillance. Nous leur disons franchement ce qu’on attend d’eux en termes de concentration, de bonne entente avec les autres, d’amélioration du comportement. Beaucoup ont vécu des traumatismes, par exemple le décès d’un parent (la moitié du groupe en ce moment), des ruptures dans leur parcours, suite à des séparations. L’évolution est très variable selon les élèves. Ils peuvent se mobiliser là où on ne le penserait pas. »

En classe relais, Mohamed se remobilise sur son projet professionnel.
En classe relais, Mohamed se remobilise sur son projet professionnel.
(c) Apprentis d'Auteuil

Mohamed est de ceux-là. Le jeune homme de 16 ans a passé avec succès un mini-stage d’une journée dans un garage. Accompagné sur le volet projet professionnel et insertion par une des professionnelles du service, il apprend à rédiger un rapport de stage, un CV, à préparer un entretien. Son sourire, alors qu’il découvre son bilan de stage et les compliments du garagiste sur son implication, est éloquent. Les mois ont passé. Mohamed s’est finalement orienté vers la plomberie, et poursuit ses études en alternance à Marseille. 90 % des jeunes qui passent par cette classe relais sont réaffectés en collège ou en lycée professionnel.
Cinq ateliers relais ouverts depuis septembre 2022 (2) complètent ce volet prévention. « Les ateliers relais permettent d’agir en prévention auprès des élèves de 5e, 4e et 3e, quand les premiers signes du décrochage apparaissent, comme l’absentéisme, les problématiques de comportement ou le non investissement dans les apprentissages, précise Célia Fellag, la responsable. Avec nos dispositifs qui se complètent, nous intervenons à différents stades du décrochage scolaire, ce qui apporte une cohérence dans notre accompagnement. »

Fil d'Ariane
De gauche à droite, Élisa Mourouvin, éducatrice spécialisée et Mélanie Lerebours, enseignante en histoire-géographie et coordinatrice du Fil d’Ariane au lycée Alfred de Musset.
(c) Apprentis d'Auteuil

Pour les plus isolés et fragiles, un suivi attentif

Dernier dispositif, un service mobile social dédié aux jeunes qui ont complètement décroché et se trouvent dans une situation d’isolement extrême. « Il a été créé au vu des besoins repérés par le Fil d’Ariane, explique Jessica Vidal, éducatrice spécialisée, en charge du service. Actuellement, je suis 15 jeunes de 16 à 21 ans, sur toute la métropole lyonnaise. Ils sont orientés par l’Éducation nationale, les missions locales, les centres d’information et d’orientation d’établissements scolaires. Ma mission se déroule au domicile des parents, ou, si le jeune ne le souhaite pas, dans un tout autre endroit : un café, un parc... Mon but est de permettre au jeune de recréer du lien social. Tout se passe avec son adhésion préalable, et en lien avec les parents ou le tuteur. Nous signons un contrat d’engagement et mettons en place des entretiens réguliers. »
Jessica écoute, tâche de comprendre ce qui se passe, noue un lien de confiance. Le décrochage scolaire peut avoir été provoqué par divers facteurs : une phobie scolaire ou sociale, un harcèlement scolaire, des difficultés familiales, etc. Elle se souvient ainsi d’un jeune harcelé dès l’école primaire puis au collège, d’une jeune fille placée par l’Aide sociale à l’enfance, et pour laquelle le retour en famille se passe mal, d’adolescents déjà fragiles et qui ne sortent plus de chez eux depuis la crise sanitaire du Covid, en proie à des addictions aux écrans et aux jeux vidéo. « Nous avons aussi un certain nombre de jeunes porteurs d’un handicap pas forcément diagnostiqué. Je peux conseiller un suivi psychologique ou médical, la reprise d’une formation, des activités artistiques, comme le théâtre. »
Pour tous ces jeunes qui se cherchent, qui n’en peuvent plus, le chemin nécessite du temps et de la patience. « C’est un peu comme une thérapie, ce n’est pas magique, reconnaît Jessica Vidal, mais la plupart des jeunes avancent et se livrent petit à petit. Notre moteur, c’est d’aller vers, d’aller au plus proche d’eux. Ils sont inquiets, ont besoin d’être rassurés et sont soulagés qu’on s’intéresse à eux. Cela permet aussi aux familles de souffler. Ça leur fait du bien, elles nous le disent. De nombreuses solutions existent, en lien avec nos partenaires, ils ont besoin de l’entendre et de se sentir pris en compte. »

  1. Dans le cadre d’un partenariat entre Apprentis d’Auteuil, Les Francas et l’Éducation nationale
  2. Collèges Henri-Barbusse de Vaulx-en-Velin, Maryse-Bastié de Décines, Lucie-Aubrac de Givors, Victor- Grignard et Henri-Longchambon de Lyon.

Ils contribuent au financement du Service de persévérance scolaire

  • Fil d'Ariane : FSE, Plan Investissement Compétences, Ville de Villeurbanne, Préfecture du Rhône (FIPD), Fondation Saint Irénée, Fondation Harmonie Mutuelle
  • Service mobile social : Plan de lutte contre la pauvreté
  • Dispositifs relais : FSE