Société
06 novembre 2017

Kad Merad : "Quel que soit leur milieu, les enfants peuvent tous réussir !"

Dans le film La mélodie, en salle le 8 novembre, Kad Merad incarne Simon Daoud, un professeur de violon introverti envoyé dans un collège difficile. Un film touchant, inspiré du programme Démos (Dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale), qui permet à des jeunes issus des quartiers ou de zones rurales de s’émanciper grâce à la musique.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de jouer dans le film La mélodie  ?

Beaucoup de choses ! D’abord, le scénario que j’ai adoré dès que je l’ai lu. Ensuite, j’ai rencontré Rachid Hami, le réalisateur. D’autres acteurs étaient pressentis pour le rôle, mais j’ai réussi à le convaincre de me prendre ! Je rêvais d’incarner un personnage comme celui-là car je fais de la musique depuis que je suis adolescent. Moi, c’était plutôt la batterie et la guitare. Il y avait aussi le défi d’apprendre à jouer du violon en deux mois, alors qu’il faut des années pour maîtriser cet instrument ! Je n’en joue pas réellement, mais j’ai néanmoins dû apprendre toutes les postures du violoniste : tenir l’instrument, l’archer, savoir bouger un pupitre… J’ai dû acquérir toute une gestuelle pour que l’on y croie. Le fait d’être musicien m’a beaucoup aidé. Rachid Hami était aussi très déterminé. Et il valait mieux, car faire ce film avec des enfants plutôt turbulents qui jouent du violon était un véritable pari !

Comment s’est passé le tournage avec les enfants qui n’étaient pas des comédiens professionnels et qui ne savaient pas jouer du violon ?

Ça n’a pas été facile tous les jours, notamment pour le réalisateur qui a dû jouer par moment le grand-frère. Il savait leur parler et, en même temps, incarner l’autorité sur le plateau. Car les enfants n’étaient pas du tout impressionnés par les caméras, les techniciens. Ils étaient sur le plateau comme ils sont dans la vie. Ils ne s’arrêtaient jamais de jouer ! Il fallait donc parfois les filmer sur le vif, improviser et savoir, par exemple, arrêter une scène de colère dans laquelle ils étaient entrés complètement et dont ils avaient du mal à sortir. C’était donc une pagaille perpétuelle ! Mais c’est ce qui donne aussi au film ce réalisme, cette force !

En parallèle de l’histoire de ce professeur de violon qui vient donner des cours dans un collège difficile, le film décrit aussi un contexte social.

Oui, nous étions assez proches de la réalité car, comme les personnages du film, les enfants connaissaient pendant le tournage des situations familiales difficiles et étaient un peu livrés à eux-mêmes. Celui qui joue le rôle d’Arnold, Renély Alfred, était dans la même situation, élevé par sa maman et d’un père inconnu. J’ai été très ému lorsque l’on a tourné ces scènes. Si le film est touchant, c’est parce qu’on était proche de la réalité.
 

Connaissiez-vous Démos, le Dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale, qui a inspiré le film (1) ?

Le programme Démos permet à des jeunes issus des quartiers ou de zones rurales de s'émanciper grâce à la musique
Le programme Démos permet à des jeunes éloignés de la musique de jouer dans un orchestre symphonique. Photo : Arnaud Borrel

Non. Mais ce programme prouve bien qu’à partir du moment où l’on intéresse les enfants à quelque chose, ils vont jusqu’au bout ! Même avec un instrument aussi difficile que le violon, ce dispositif arrive à emmener tout le monde sur la scène de la Philharmonie de Paris ! J’aime l’idée profonde du film et du programme qui est de dire : « Quel que soit leur milieu, leur façon de vivre, les enfants peuvent tous réussir ! ». Ça donne de l’espoir !

Allier musique et scolarité, est-ce selon vous une bonne manière de s’élever et de sortir de son environnement social?

J’ai eu la chance de faire de la musique très jeune, grâce à la Mairie de Ris-Orangis, une ville de banlieue de la région parisienne où j’habitais et où la vie culturelle était très développée. On pouvait facilement avoir accès aux instruments. Cela m’a permis, à l’âge de 18-19 ans, de sortir de ma région et d’aller jouer dans plein de pays… jusqu’aux États-Unis ! La musique, comme le sport, est un vrai moyen de s’élever effectivement, et de s’en sortir. Moi, c’est grâce à l’école que j’ai fait du théâtre et que je suis devenu comédien. J’avais une prof d’espagnol, passionnée de théâtre, qui m’a donné la première fois l’occasion de monter sur scène. J’avais 15 ans et je me suis dit : « C’est le métier que je veux faire ! ».

Quel parcours avez-vous eu à l’école ?

J’ai quitté l’école en seconde. J’ai fait un BEP ensuite. L’école, j’y ai d’abord rencontré mes copains de la musique et du théâtre. Mais, je n’étais pas un bon élève, je ne travaillais pas. Ça ne m’intéressait pas ! Il y a prescription maintenant, mais je séchais beaucoup les premières heures de cours, surtout les maths… et je revenais pour le sport ou le français que je préférais. En revanche, j’ai rencontré au cours de ma scolarité des profs extraordinaires qui m’ont permis de faire du théâtre et de la musique.

Quel regard portez-vous sur la jeunesse en difficulté aujourd’hui en France ?

J’ai grandi en banlieue parisienne et une partie de ma famille y habite toujours. À l’époque, la banlieue était plus joyeuse. Les enfants avaient encore la chance d’y arriver. Même si tout n’était pas facile non plus. J’ai perdu beaucoup d’amis à cause de la drogue, du sida… Des gens avec qui j’avais grandi. Mais, j’ai l’impression aujourd’hui que le fossé avec les quartiers s’est encore un peu plus creusé. Je vis aussi à Marseille où les quartiers, notamment les quartiers nord, sont dans la ville. La situation est tout aussi dramatique.

Que faudrait-il faire ?

Il aurait fallu faire autrement lorsque l’on a décidé d’entasser toutes ces familles au même endroit. Et créer des ponts entre ces quartiers et la ville. La culture en est un. Le sport aussi. Ce n’est pas par hasard, s’il y a autant de footballeurs issus des quartiers difficiles. En même temps, il se passe plein de choses en banlieue. En ce moment, je tourne Baron noir, une série pour Canal+. On était dans un quartier difficile de Bordeaux où il y avait plein de structures sportives pour les jeunes, des responsables associatifs et des hommes politiques de terrain qui se démènent pour les jeunes. On ne se rend pas compte à quel point la banlieue se bouge pour s’en sortir… car elle n’attend plus rien d’en haut. La situation est difficile mais n’est pas perdue.

(1) Le programme Démos est expérimenté à l'école élémentaire Vitagliano d'Apprentis d'Auteuil à Marseille depuis 2015. Il est financé par la Fondation Foujita, le Fonds Maranatha Partage, la Fondation AG2R La mondiale et la Fondation Denibam.

Les réactions des élèves de l'école Vitagliano d'Apprentis d'Auteuil impliquée dans le programme Démos depuis 2015

Ayanah, 9 ans, en CM1 (en photo, Chékina en CM2)
Le film était super cool ! Il y avait beaucoup d'émotions... mais un peu trop de gros mots ! Mais c'était bien quand même. Au début du film, les enfants jouaient faux mais ils étaient vraiment motivés pour apprendre. J'ai été un peu surprise par Kad Merad qui interprète le rôle d'un professeur pas très gentil qui va même jusqu'à bousculer un élève ! Mais au fur et à mesure du film, il change et il emmène tout le monde à la Philharmonie à Paris ! Moi, je joue de la flûte traversière depuis 2 ans grâce à Démos. Au début, c'était un peu difficile mais une fois que l'on a compris ce qu'il faut faire, ça va. Ça m'aide à me tenir bien droite et à mémoriser des choses à l'école.

Norhène, 9 ans, en CM1
J'ai bien aimé le film. Au début, les enfants jouaient très mal du violon...et très bien à la fin. Mon moment préféré ? Quand les élèves donnent leur concert devant leurs parents à la Philharmonie à Paris. Ça m'a rappelé lorsqu'on y a joué nous aussi au mois de juin. Avant le concert, j'avais vraiment le trac, je pensais que je n'allais pas y arriver. Et à la fin, tout le monde était debout pour nous applaudir ! J'étais fière de jouer devant mes parents. Je ne voulais pas les décevoir. Ça m'a donné envie de continuer à jouer de la clarinette. J'en joue tous les jours mais parfois c'est un peu dur parce qu'il faut beaucoup de souffle. Marie-Laure Fazi, directrice de l'école Vitagliano
Tous les élèves de l'école, les collégiens et les familles sont venus à l'avant-première du film La mélodie qui a eu lieu lundi au Pathé Madeleine à Marseille. La salle était pleine ! Tous ont été très émus par le film. Les enfants applaudissaient même à la fin de certaines scènes ! Ils ont été touchés parce qu'ils ont retrouvé leur histoire à l'écran. Le programme Démos, que nous avons initié il y a deux à l'école Vitagliano, offre une véritable ouverture culturelle aux enfants. Il leur permet également de retrouver confiance en eux et d'être valorisés vis-à-vis de leurs parents. Les enfants sont souvent les premiers à avoir un instrument de musique dans leur famille.Nous allons écrire à Kad Merad pour lui proposer de venir voir notre orchestre à Marseille. C'est déjà un bon exercice de production d'écrit que nous faisons habituellement avec le projet Démos. Et Kad Merad est la bonne personne pour parrainer notre orchestre. Il habite à Marseille, il est sensible à ce sujet et lui aussi est originaire du Maghreb.