Vie de la fondation

Journée des droits des femmes, Emmanuelle témoigne

Hébergée durant un an au Bercail - une résidence sociale mère-enfant d'Apprentis d’Auteuil - suite à des violences conjugales, Emmanuelle a aujourd’hui retrouvé travail et logement. Elle témoigne à l’occasion de la journée internationale des droits de la femme.

"J’ai décidé, début 2016, de quitter mon mari. Enceinte de plus de huit mois d’un deuxième enfant et mariée depuis quatre ans, je vivais à la campagne, le père de mes enfants étant gérant d’une exploitation agricole. Complètement épuisée, je ne dormais plus et je passais mes jours et mes nuits dans une peur, une insécurité et une impuissance permanentes.

Sortir du déni

Au fil du temps, mon mari s’était transformé en une vraie machine à détruire. Aucune empathie de sa part, il me méprisait, sabotait tous mes projets et passait son temps à me menacer. Il ne m’adressait quasiment plus la parole, ni bonjour ni au revoir et n'avait comme seuls mots à la bouche que des insultes à mon encontre. Il me rabaissait en permanence.
Un jour, à l’intérieur d’une stabulation, j’ai même été chargée par une vache et j'ai cru que j'allais mourir. Présent dans l'enclos, mon ex mari n’a pas bougé d’un centimètre. Plus aucune intimité, plus aucun bonheur possible.  J'étais devenue l'ombre de moi-même. Il m’a fallu du temps pour sortir de mon déni et admettre la réalité. Si je n’agissais pas, j’allais finir enterrée vivante.

La force de se battre

J’ai commencé par tout noter et prendre des photos, puis un beau jour, le déclic s’est fait. J’avais décidé de passer à l'acte après avoir confié mon histoire à plusieurs associations de femmes. On ne peut pas organiser son départ seul. Il est indispensable de se faire aider. C'était décidé. J’allais m’enfuir. Ce serait difficile, mais j’étais armée pour affronter cette épreuve et j’allais trouver la force de me battre.
Pour organiser mon départ, j’ai mis un maximum d’objets en sécurité, les jouets de ma fille, les affaires du bébé, etc. Et un beau début d’après-midi, je suis partie. Pour ne jamais revenir. Le soir même, je me retrouvais en bas du lit superposé d’un accueil d’urgence. Une page se tournait.

Du mépris à la fierté

Deux ans plus tard, je mesure le chemin parcouru. Avec l’aide du Bercail, de sa directrice, des salariés, des bénévoles et des amis que la vie m’a envoyés, j’ai accueilli mon bébé, une deuxième petite fille, trouvé un nouveau logement et quelques mois plus tard, en apprenant à me faire confiance, un travail. Merci la vie !
Même si mon chemin de reconstruction n’est pas achevé, je sais la force qui m’habite désormais. Même si le quotidien reste certains jours encore difficile, j'ai un bonheur et un paix réels. Et je suis tellement heureuse de ce que j'ai pu commencer à reconstruire. Quelque part, je suis fière de moi, de l'aplomb que j'ai eu. Aujourd'hui je ne suis plus du tout la même personne ! J’ai relu mon histoire avec l'aide d'un psychologue et compris pourquoi j'avais attiré cette situation et les raisons pour lesquelles, de par mon parcours, j'étais tombée sous l'emprise de cet homme. J'ai accueilli aussi mes émotions et appris à me connecter à mes besoins. Bref, j'ai changé en profondeur et, moins naïve, je suis passée du mépris à la fierté et du déni à la vie. Mon existence vibre désormais d’une jubilation nouvelle."

Journée du 8 mars

Je trouve du sens à la journée du 8 mars, car elle permet de parler de certains sujets. Pour moi, beaucoup d'inégalités hommes-femmes demeurent, en particulier dans le domaine de la parentalité. Les femmes sont encore beaucoup trop nombreuses à porter l’essentiel de l’éducation des enfants."